3. L'État partie a expliqué qu'il n'était pas en mesure de faire rapport sur la façon dont il s'acquitte de ses responsabilités concernant la situation des droits de l'homme au Kosovo et a émis l'idée que, le pouvoir civil au Kosovo étant exercé par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), le Comité pourrait inviter cette dernière à lui présenter un rapport complémentaire sur la situation des droits de l'homme au Kosovo. Le Comité note que, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, le Kosovo continue à faire partie de la Serbie-et-Monténégro en sa qualité de successeur de la République fédérale de Yougoslavie, bien que sous administration internationale intérimaire, et que défendre et promouvoir les droits de l'homme est l'une des principales responsabilités de la présence civile internationale (par. 11 j) de la résolution). Il note également qu'il existe des institutions provisoires d'administration autonome au Kosovo qui sont tenues de respecter le Pacte en vertu de l'article 3.2 c) du Règlement 2001/9 relatif au cadre constitutionnel de l'autonomie provisoire au Kosovo. Le Comité considère que le Pacte est toujours applicable au Kosovo. Il accueille avec satisfaction l'offre de l'État partie visant à faciliter l'examen de la situation des droits de l'homme au Kosovo et encourage la MINUK, en coopération avec les institutions provisoires de l'exécutif de l'autonomie, à fournir, dans le respect du statut juridique du Kosovo, un rapport sur la situation des droits de l'homme au Kosovo depuis juin 1999.
5. Le Comité accueille aussi avec satisfaction l'adoption, entre autres, des codes de procédure pénale applicables au niveau de la République, en particulier le renforcement de la protection des droits fondamentaux des personnes détenues, la modification de la loi électorale de la Serbie en mai 2004, la loi relative à la protection des droits et libertés des minorités nationales au niveau de la Communauté étatique ainsi que les efforts déployés pour s'attaquer à la question de la discrimination contre les Roms dans tous les domaines sociaux.
6. Le Comité félicite l'État partie d'avoir aboli la peine de mort et accédé au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
7. Le Comité salue la création de la fonction d'ombudsman au Monténégro et dans la province autonome de Voïvodine.
8. Le Comité a pris note de l'esprit de coopération que manifestent les autorités de l'État partie touchant la participation des organisations non gouvernementales nationales au processus de surveillance, de promotion et de protection de l'exercice des droits énoncés dans le Pacte.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
9. Le Comité est préoccupé par la persistance de l'impunité pour les violations graves des droits de l'homme, aussi bien avant qu'après les changements d'octobre 2000. S'il salue l'intention déclarée de l'État partie de procéder à des enquêtes sur les violations antérieures des droits de l'homme et d'en poursuivre les auteurs, le Comité déplore toutefois que les enquêtes sérieuses débouchant sur des poursuites et des condamnations à la mesure de la gravité des crimes commis soient trop rares (art. 2, 6, 7).
L'État partie est dans l'obligation d'enquêter scrupuleusement sur tous les cas de violation présumée des droits de l'homme, en particulier sur les violations des articles 6 et 7 du Pacte qui auraient été commises pendant les années 90, et de traduire en justice les personnes qui sont soupçonnées d'avoir participé à de telles violations. L'État partie devrait également faire en sorte que les victimes et leur famille soient dûment indemnisées pour de telles violations. Les personnes occupant des fonctions officielles qui auraient commis des violations graves devraient être suspendues de leurs fonctions pendant l'enquête sur les allégations et, si elles sont reconnues coupables, être révoquées de la fonction publique, indépendamment de toute autre sanction.
10. Le Comité note le travail concret qui a été fait concernant les exhumations et les autopsies de quelque 700 cadavres trouvés dans les fosses communes à Batajnica, mais il est préoccupé par l'absence de progrès enregistré pour ce qui est d'enquêter sur ces crimes et d'en poursuivre les auteurs (art. 2, 6).
L'État partie devrait, parallèlement au processus d'exhumation des corps, commencer immédiatement à enquêter sur ce qui paraît être des actes criminels comportant des violations du Pacte. L'État partie doit également répondre aux besoins particuliers des proches des personnes portées disparues et des personnes disparues, et notamment leur accorder une juste réparation.
11. Le Comité note les déclarations officielles de l'État partie dans lesquelles il souligne son souci de coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) afin que toutes les personnes soupçonnées d'avoir commis des violations graves des droits de l'homme, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, soient traduites en justice. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que l'État partie, à plusieurs reprises, n'a pas coopéré pleinement avec le TPIY, notamment lorsqu'il s'agissait d'arrêter les personnes inculpées (art. 2).
L'État partie devrait apporter son entière coopération au TPIY dans tous les domaines, notamment dans le cadre des enquêtes sur les personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire et des poursuites engagées contre elles, et lorsqu'il s'agit d'appréhender et de transférer les personnes qui ont été inculpées et sont encore en fuite, ainsi que d'accorder au TPIY plein accès aux documents demandés et aux témoins potentiels.
12. Tout en saluant les mesures prises pour mettre en place un système permettant de juger les crimes de guerre devant les tribunaux nationaux, avec notamment la création d'une chambre spéciale pour les crimes de guerre dans le cadre du tribunal de première instance de Belgrade, et la création d'un service spécial du parquet pour les crimes de guerre, le Comité reste préoccupé par l'absence de dispositions, dans la législation interne, donnant effet au principe de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques, par l'absence de mesures adéquates pour protéger les témoins, et par l'absence d'enquêteurs attachés exclusivement au parquet (art. 2, 6, 7).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité soient traduits en justice, pour que la justice soit rendue de manière équitable et pour que soit mis en place un système adéquat de protection des témoins.
13. Le Comité est préoccupé par les mesures prises dans le cadre du régime de l'état d'urgence, impliquant d'importantes dérogations aux obligations contractées par l'État partie en matière de droits de l'homme au titre du Pacte. Le Comité prend note de l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Serbie du 8 juillet 2004 qui a déclaré inconstitutionnelles certaines des mesures prises par la République de Serbie dans le cadre de l'état d'urgence qui constituent une dérogation aux dispositions du Pacte, et prend note des mesures prises pour punir les auteurs de violations commises pendant cette période et accorder réparation à toutes les victimes. Le Comité déplore toutefois que plusieurs inquiétudes demeurent, notamment en ce qui concerne les allégations de torture pratiquée sur des détenus dans le cadre de l'opération «Sabre» (art. 4, 7, 9, 14, 19).
L'État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour enquêter sur toutes les allégations de tortures infligées pendant l'opération «Sabre» et prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place des mécanismes adéquats afin de prévenir de telles violations et tout recours abusif aux pouvoirs d'exception à l'avenir. Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur son Observation générale no 29 pour l'évaluation de la portée des pouvoirs d'exception.
14. Le Comité est préoccupé par des allégations persistantes de mauvais traitements infligés par des responsables de la force publique. Il prend note aussi de la déclaration préliminaire du Comité contre la torture, mentionnée dans le rapport initial de l'État partie, selon laquelle la torture avait été pratiquée systématiquement dans la République fédérale de Yougoslavie avant octobre 2000. Le Comité est préoccupé par l'absence d'informations suffisantes sur les mesures concrètes prises pour enquêter sur les cas en question, punir les responsables et accorder réparation aux victimes (art. 7).
L'État partie devrait prendre des mesures énergiques pour mettre fin à toutes les formes de mauvais traitements imputés à la force publique, et faire en sorte que des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales soient menées rapidement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, que les auteurs soient poursuivis et punis, et que des voies de recours utiles soient offertes aux victimes.
15. Tout en notant la création en Serbie de la fonction d'inspecteur général du Service de la sécurité publique en juin 2003, le Comité est préoccupé par l'absence de mécanismes de surveillance indépendants pour enquêter sur les plaintes faisant état de comportements criminels dirigées contre des membres de la police, absence qui pourrait contribuer à l'impunité pour les policiers ayant pris part à des violations des droits de l'homme (art. 2, 7, 9).
L'État partie devrait créer, au niveau de la République, des organes indépendants civils d'examen habilités à recevoir et à examiner toutes les plaintes pour usage excessif de la force et autres formes d'abus de pouvoir de la part de la police.
16. Le Comité note que la Serbie-et-Monténégro est un important lieu de transit pour la traite des êtres humains, dont il est de plus en plus un pays d'origine et de destination. Il salue les efforts faits par l'État partie et les mesures prises pour remédier à la situation concernant la traite des femmes et des enfants, en créant notamment des équipes nationales de lutte contre la traite des êtres humains en Serbie et au Monténégro, et en introduisant dans les codes pénaux du Monténégro et de la Serbie une qualification criminelle de la traite des êtres humains, même si quelques inquiétudes demeurent concernant la définition de cette pratique. Le Comité est également préoccupé par l'absence de mécanismes efficaces de protection des témoins et note que les agents de la force publique, les procureurs et les juges ne sont apparemment pas sensibilisés au phénomène de la traite des femmes et des enfants. Le Comité note également que les refuges et les numéros d'appel d'urgence sont gérés par les ONG, qui ont également organisé des campagnes de sensibilisation, et il déplore l'absence de participation des autorités à de telles initiatives (art. 3, 8, 24).
L'État partie devrait prendre des mesures pour lutter contre la traite des êtres humains, qui constitue une violation de plusieurs droits énoncés dans le Pacte, notamment les droits visés aux articles 3 et 24 ainsi qu'à l'article 8, qui concerne l'interdiction de l'esclavage et le droit de ne pas être tenu en servitude. Des mesures énergiques devraient être prises pour empêcher ce trafic et imposer des sanctions à ceux qui exploitent ainsi les femmes et les enfants. Une protection devrait être assurée à toutes les victimes de cette pratique, qui devraient disposer d'un lieu où se réfugier et avoir la possibilité de témoigner contre les personnes responsables dans le cadre de procédures pénales ou civiles.
17. Le Comité est préoccupé par les renseignements faisant état de taux élevés de violence familiale. Tout en prenant note de l'action menée par l'État partie pour lutter contre ce type de violence, notamment sur le plan législatif, le Comité regrette que l'État partie n'ait pas fourni de statistiques et d'informations détaillées sur la nature et l'ampleur du problème (art. 3, 7, 26).
L'État partie devrait adopter les politiques et les dispositions législatives voulues pour lutter efficacement contre la violence familiale. Le Comité recommande en particulier que le Gouvernement serbo-monténégrin crée des permanences téléphoniques, avec numéro d'appel d'urgence, et des centres d'aide aux victimes équipés pour fournir une assistance médicale, psychologique et juridique, y compris des refuges pour les femmes et les enfants battus. Le Gouvernement devrait également sensibiliser davantage le public en diffusant des informations sur cette question par la voie des médias.
18. Le Comité s'inquiète de ce que les droits des personnes déplacées à l'intérieur du territoire serbo-monténégrin ne sont pas pleinement protégés; il pense en particulier à l'accès sur leur lieu de résidence effectif aux services sociaux, notamment à des établissements scolaires pour leurs enfants, et à l'obtention de documents personnels. Il se dit préoccupé par les taux de chômage élevés et le manque de logements convenables, et s'inquiète également quant à la pleine jouissance par ces personnes de leurs droits politiques. S'il note que, selon l'État partie, les personnes déplacées sont traitées sur un pied d'égalité avec les autres citoyens serbo-monténégrins, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que, dans la pratique, ces personnes ne peuvent exercer pleinement leurs droits. Il relève que les Roms déplacés du Kosovo au cours du conflit de 1999 constituent un groupe particulièrement vulnérable (art. 12, 26).
L'État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les politiques, stratégies et programmes et l'appui financier aient tous pour premier objectif de permettre l'exercice par toutes les personnes déplacées de l'ensemble des droits énoncés dans le Pacte. En outre, les personnes déplacées à l'intérieur du territoire devraient bénéficier d'un accès entier et effectif aux services sociaux, aux établissements scolaires, à l'aide au chômage, à un logement adéquat et pouvoir obtenir sans difficulté ni restriction des documents personnels, conformément au principe de la non-discrimination.
19. Le Comité prend acte des efforts entrepris par la Serbie pour renforcer l'indépendance de la magistrature. Il n'en est pas moins préoccupé par les pressions que le pouvoir exécutif serbe aurait dans certains cas exercées sur le pouvoir judiciaire, ainsi que par les mesures prises par les organes judiciaires pendant l'état d'urgence (art. 14).
L'État partie devrait veiller au strict respect de l'indépendance de la magistrature.
20. Le Comité est préoccupé par le fait que des civils peuvent être traduits devant des tribunaux militaires pour des infractions telles que la divulgation de secrets d'État (art. 14).
L'État partie devrait concrétiser son intention de faire en sorte que les civils ne soient pas traduits devant des tribunaux militaires.
21. Le Comité prend note de l'information fournie par la délégation selon laquelle l'objection de conscience est régie par un décret provisoire, qu'il est prévu de remplacer par une loi qui reconnaîtra pleinement l'objection de conscience au service militaire et l'existence d'un service civil de remplacement d'une durée égale à celle du service militaire (art. 18).
L'État partie devrait promulguer ladite loi dès que possible. Il conviendrait que le texte reconnaisse l'objection de conscience au service militaire, sans restriction (art. 18), et l'existence d'un service civil de remplacement de caractère non punitif.
22. Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de poursuites engagées contre des journalistes pour des infractions liées aux médias, en particulier à la suite de plaintes en diffamation déposées par des personnalités publiques qui ont l'impression d'être diffamées en raison de leurs fonctions.
L'État partie, dans son application des textes législatifs sur la diffamation criminelle, devrait prendre en considération, d'une part, le principe selon lequel les limites des critiques acceptables sont plus larges pour les personnalités publiques que pour les particuliers, et, d'autre part, les dispositions du paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte, qui n'autorisent pas les restrictions de la liberté d'expression à des fins politiques.
23. Tout en prenant acte de l'adoption de la loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales, le Comité demeure préoccupé par le fait que des progrès restent à accomplir en ce qui concerne la jouissance effective par les membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques des droits que leur reconnaît le Pacte. À ce propos, le Comité relève l'absence d'une législation antidiscriminatoire d'ensemble visant tous les aspects de la discrimination (art. 2, 26, 27).
L'État partie devrait faire en sorte que tous les membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques, que leurs communautés soient reconnues comme minorité nationale ou non, bénéficient d'une protection effective contre la discrimination et puissent avoir leur propre vie culturelle, professer et pratiquer leur propre religion et employer leur propre langue, conformément à l'article 27 du Pacte. À cet égard, l'État partie devrait adopter une législation antidiscriminatoire d'ensemble pour lutter contre la discrimination fondée sur des motifs ethniques ou autres dans tous les domaines de la vie sociale et offrir des recours utiles aux victimes de discrimination.
24. Le Comité constate avec préoccupation la persistance d'une discrimination généralisée à l'égard des Roms dans tous les domaines de la vie. Il est particulièrement préoccupé par la situation sociale et économique déplorable des membres de la minorité rom, notamment s'agissant de l'accès aux services de santé, à l'aide sociale, à l'éducation et à l'emploi, qui fait obstacle à la pleine jouissance des droits qui leur sont reconnus par le Pacte (art. 2, 26, 27).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour assurer aux Roms la jouissance effective des droits que leur reconnaît le Pacte, en mettant en œuvre sans délai toutes les stratégies et tous les plans visant à porter remède à la discrimination ainsi qu'à la situation sociale très difficile que connaissent les Roms en Serbie-et-Monténégro.
25. Le Comité prend note des informations fournies concernant la diminution de la violence policière à l'égard des Roms, mais il demeure toutefois préoccupé par les violences et brimades que leur infligent des groupes racistes et par l'insuffisance de la protection assurée par les agents de la force publique contre les actes de violence à motivation raciale (art. 2, 20, 26).
L'État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre la violence raciale et l'incitation à la haine raciale, assurer une protection adéquate aux Roms et aux autres minorités, et mettre en place des mécanismes appropriés pour recevoir les plaintes des victimes, enquêter sur les actes de violence raciale et d'incitation à la haine raciale, poursuivre leurs auteurs et assurer aux victimes l'accès à des voies de recours et à des réparations adéquates.
26. L'État partie devrait diffuser largement les résultats de l'examen de son rapport initial par le Comité et en particulier les présentes observations finales.
27. Il est demandé à l'État partie, conformément au paragraphe 5 de l'article 70 du Règlement intérieur du Comité, de communiquer, dans un délai de 12 mois, des renseignements sur la suite qu'il aura donnée aux recommandations du Comité concernant la coopération avec le TPIY (par. 11), les tortures et mauvais traitements (par. 14) et les personnes déplacées à l'intérieur du territoire (par. 18). Le Comité demande que des renseignements relatifs à ses autres recommandations soient fournis dans le deuxième rapport périodique, qui doit lui être soumis d'ici au 1er août 2008.