University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Burundi, U.N. Doc. A/56/38,paras.32-67 (2001).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-quatrième session
15 janvier-2 février 2001


Burundi

32. Le Comité a examiné le rapport initial présenté par le Burundi (CEDAW/C/BDI/1) à ses 488e, 489e et 496e séances, les 17 et 23 janvier 2001 (CEDAW/C/ SR.488, 489 et 496).


a) Présentation par l'État partie

33. Présentant le rapport, la représentante du Burundi a rappelé au Comité que la crise sociopolitique de 1993 et l'embargo économique imposé par les pays voisins du Burundi en 1996 avaient gravement nui au développement du pays et eu des retentissements en particulier sur la situation des femmes. Un cinquième de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté, dont de nombreuses femmes chefs de ménage, qui avaient à leur charge une multitude d'orphelins.

34. La représentante a redit le ferme attachement du Gouvernement burundais à l'application de la Convention, dont témoignait le fait qu'il avait établi le rapport initial à l'intention du Comité malgré la crise sociopolitique que continuait à vivre le pays. Il avait adopté des mesures pour l'avancement des femmes, garantissant leur liberté et leurs droits fondamentaux sur une base d'égalité. Il avait également encouragé la création d'associations féminines et la mise en place de projets de développement à l'intention des femmes. Le Ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme et le Ministère des droits de la personne humaine, des réformes institutionnelles et des relations avec l'As-semblée nationale avaient été chargés de l'application de la Convention.

35. Depuis que le Burundi avait ratifié la Convention en 1991, le Gouvernement avait promulgué deux décrets-lois pour modifier la situation juridique des femmes. Le décret-loi adopté en 1993 avait réformé le Code des personnes et de la famille, et comportait des dispositions en vue de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (abolition de la polygamie et de la répudiation unilatérale d'un conjoint, introduction du divorce légal, réglementation de l'âge au mariage). Un autre décret-loi, en 1993 également, révisant le Code du travail, avait pour but la justice sociale et économique. Le chapitre V du Code concernait les femmes au travail, et visait notamment leurs droits pendant la grossesse et la maternité.

36. La représentante a précisé que l'Acte constitutionnel de transition consacrait le respect des droits et obligations proclamés et garantis par la Déclaration universelle des droits de l'homme et d'autres instruments juridiques régionaux et nationaux. Il y était déclaré en particulier que tous sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, d'origine, d'appartenance ethnique, de religion ou d'opinion.

37. En matière d'éducation, la représentante a déploré le fort taux de déperdition des filles lors du passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire, ce dernier n'ayant été accessible qu'à 10 % des enfants. La pratique de l'admission préférentielle des filles, lorsque leurs notes sont inférieures à celles des garçons, introduite dans les années 70, avait été abandonnée de crainte qu'elle ne suscite un complexe d'infé-riorité chez les écolières. Le Gouvernement savait qu'il faudrait prendre d'autres mesures dans les régions où la scolarisation était faible (campagnes de sensibilisation, stimulations, mesures coercitives à l'égard des parents). La représentante a indiqué que jusqu'à récemment, une fille était renvoyée de l'école en cas de grossesse. Désormais, une écolière enceinte pouvait reprendre ses études dans un autre établissement après la naissance de l'enfant.

38. La représentante a informé le Comité que les soins de santé manquaient, surtout en milieu rural. Plus de 66 % du personnel médical demeurait concentré dans les villes, où n'habitait que 4 % de la population. Les femmes rurales, à qui les tâches domestiques imposent déjà une charge de travail trop lourde, étaient obligées de parcourir de grandes distances pour obtenir des services de base. C'était ce qui expliquait que 80 % des femmes accouchent à domicile, dans des conditions d'hygiène souvent médiocres, et que la mortalité maternelle s'établisse à 826 pour 100 000 naissances vivantes. Le Gouvernement avait tenté de déployer du personnel médical dans les campagnes et de mettre en place un système médical public. Mais la tâche était immense, et il restait beaucoup à faire, surtout du fait que 30 % des équipements de santé avaient été détruits ou endommagés pendant la crise. Grâce à l'aide du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Gouvernement avait lancé des programmes de santé de la procréation à l'intention des femmes rurales.

39. La majorité des femmes vivant dans les campagnes, elles tiraient leurs moyens d'existence des produits agricoles. Le Gouvernement avait déployé de grands efforts pour elles, car les femmes rurales sont dans une dépendance économique totale à l'égard des hommes de la famille, n'ont pas le droit d'hériter, et ne peuvent exercer aucun contrôle économique sur les biens qu'elles produisent. Le Gouvernement avait promu des programmes de lutte contre la misère (activités productrices de revenus menées par des associations féminines). Depuis 1996, le Ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme avait créé partout dans le pays des centres de développement familial pour aider les femmes à gérer leurs revenus propres.

40. La représentante a fait observer que la création de l'Union des femmes burundaises avait fait mesurer aux femmes l'importance du rôle qu'elles pourraient jouer dans toutes les sphères de la société. Mais les mentalités traditionnelles étaient encore dominantes, et très peu de femmes occupaient des postes de responsabilité à l'Assemblée nationale, dans le système judiciaire, l'administration publique ou les institutions publiques et privées.

41. La représentante a signalé au Comité que la crise, le dénuement et la surpopulation dans les camps avaient suscité une montée de la prostitution. Le Gouvernement avait adopté des textes réprimant la traite des femmes, l'exploitation de la prostitution, l'attentat à la pudeur et le viol.

42. Les femmes avaient joué un rôle crucial dans le processus de paix. Dès le départ, elles s'étaient organisées et avaient obtenu le statut d'observateur aux négociations de paix. Les Accords d'Arusha avaient offert une base pour construire une paix durable et accordé l'égalité aux femmes et aux hommes, conformément à la Convention. Le rôle des femmes pour la reconstruction et la réinsertion y était reconnu, et on y suggérait d'inclure des femmes dans tous les appareils de gestion visant la reconstruction, de les mobiliser comme médiateurs de paix pour la réconciliation nationale, de promulguer des lois sur le droit des femmes à hériter, et de reconstruire des maisons pour les femmes sans abri. On estimait nécessaire aussi d'assurer aux femmes victimes de violences ou mariées sous la contrainte des services de réinsertion ou de conseils post-traumatiques.


b) Conclusions du Comité

43. Le Comité félicite le Gouvernement burundais d'avoir ratifié la Convention sans réserve en 1991 et d'avoir établi et présenté son rapport initial alors que le pays est en crise sociopolitique, aux prises avec des troubles civils et des difficultés économiques. Il se réjouit que le Gouvernement ait fait l'effort de se conformer à ses directives pour la présentation du rapport.

44. Le Comité félicite le Gouvernement burundais d'avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par le Ministre de la promotion de la femme. Il apprécie la franchise qui a inspiré le rapport et sa présentation, car elle lui a permis d'engager un dialogue constructif.


Aspects positifs

45. Le Comité félicite l'État partie de l'action engagée pour appliquer la Convention, malgré une situation sociopolitique et économique difficile. En particulier, il accueille avec satisfaction la définition d'un plan d'action national pour la mise en application des textes de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui témoigne de l'importance accordée à la promotion de la femme.

46. Il accueille avec faveur la création du Ministère de l'action sociale et de la promotion de la femme et celle du Ministère des droits de la personne humaine, des réformes institutionnelles et des relations avec l'Assemblée nationale, chargés conjointement de faire appliquer la Convention.

47. Le Comité félicite le Gouvernement des réformes juridiques auxquelles il a procédé depuis la ratification de la Convention en 1991, notamment la réforme du Code des personnes et de la famille et du Code du travail.


Obstacles à l'application de la Convention

48. Le Comité reconnaît que la guerre civile et la crise économique constituent des obstacles importants à l'application intégrale de la Convention. Il note aussi que des préjugés profondément enracinés, une conception stéréotypée du rôle des femmes et un certain nombre de pratiques coutumières et traditionnelles constituent des obstacles supplémentaires à cette application.


Principaux sujets de préoccupation et recommandations

49. Le Comité estime que l'absence de paix est la difficulté principale à laquelle se heurte l'application intégrale de la Convention. Il tient également à exprimer sa préoccupation par rapport au nombre de femmes victimes de violences au cours du conflit.

50. Le Comité recommande que, dans la mise en oeuvre des Accords d'Arusha et en conformité avec ces accords, une place importante soit accordée au rôle que peuvent jouer les femmes dans la reconstruction du pays et que l'accélération de l'égalité des femmes en soit intégrée à tous les aspects. Il insiste pour que des efforts particuliers soient déployés en vue d'inclure les femmes dans les projets de réconciliation nationale et de consolidation de la paix. Il recommande que le Gouvernement encourage les femmes de toutes les ethnies ainsi que les femmes victimes de la violence ou du conflit armé à militer en faveur de la paix.

51. Le Comité recommande qu'au moment d'adopter des quotas en faveur des groupes ethniques, le Gouvernement envisage également d'instaurer toutes mesures prévues au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention et récapitulées dans la recommandation générale 23 du Comité (participation des femmes à la vie publique) en vue d'accroître la participation des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux. Il souligne l'impor-tance qu'il y a à respecter scrupuleusement les principes d'égalité entre les sexes dans tous les projets de reconstruction.

52. Le Comité s'inquiète de la situation des femmes et des filles déplacées et de leurs conditions d'exis-tence, notamment dans les camps de réfugiés.

53. Il recommande que le Gouvernement apporte une aide plus substantielle aux femmes et filles réfugiées et déplacées et mette en oeuvre des projets de réinsertion en leur faveur. Il souligne l'importance d'intégrer une perspective sexospécifique dans tous les programmes et politiques nationaux et internationaux d'aide aux personnes déplacées.

54. Le Comité recommande également que, comme le prévoient les Accords d'Arusha, des services de thérapie post-traumatique soient mis à la disposition des femmes victimes de violences en raison de leur sexe. Il engage le Gouvernement à faire en sorte que les personnels concernés reçoivent une formation appropriée dans ce domaine.

55. Le Comité relève avec préoccupation l'existence de dispositions législatives qui ont pour effet d'établir une discrimination à l'égard des femmes. Il s'inquiète également de l'écart qui existe entre l'égalité de droit et l'égalité de fait.

56. Il recommande que l'État partie prenne les mesures nécessaires pour aligner sur la Convention les dispositions législatives discriminatoires figurant, entre autres, dans le Code des personnes et de la famille et dans le Code pénal. Il recommande notamment l'examen des dispositions qui imposent aux femmes un âge minimal pour contracter le mariage différent de celui des hommes (art. 88 du Code des personnes et de la famille), font de l'homme le chef de la famille (art. 122 du Code des personnes et de la famille) et établissent une discrimination en matière d'adultère (art. 3 du Code pénal). Il invite en outre le Gouvernement à veiller à ce que soient effectivement appliquées les lois et politiques qui prévoient l'égalité de droit et visent à éliminer la discrimination à l'encontre des femmes. Il recommande que le Gouvernement fasse en sorte que les responsables de leur application soient pleinement informés de leur contenu et que des campagnes d'édu-cation du public et d'information juridique soient mises en oeuvre en vue de faire largement connaître les réformes dont ces lois et politiques sont l'objet.

57. Le Comité exprime sa préoccupation par rapport au taux élevé d'analphabétisme chez les femmes et à la faible scolarisation des filles, particulièrement dans les régions rurales. Il fait observer que l'éducation est un facteur essentiel de l'émancipation des femmes et que le faible niveau d'instruction de celles-ci demeure l'un des obstacles les plus importants au développement du pays.

58. Le Comité exhorte le Gouvernement à poursuivre ses efforts tendant à améliorer l'accès des filles à tous les degrés du système scolaire et à lutter contre l'abandon scolaire. Il l'encourage à adopter des mesures correctives visant l'ensemble des protagonistes concernés, y compris des mesures d'incitation à l'in-tention des parents, et à envisager de solliciter une aide internationale en vue d'améliorer l'éducation des femmes et des filles.

59. Le Comité s'alarme de l'augmentation du taux de contamination par le VIH/sida, qui renverse les progrès antérieurement réalisés au Burundi. Il est préoccupé par l'insuffisance des moyens qui permettraient de prendre soin des personnes affectées directement ou indirectement par le VIH/sida.

60. Le Comité engage le Gouvernement à adopter, dans sa lutte contre la pandémie de VIH/sida, une démarche globale et pluridisciplinaire qui ne comprenne pas seulement des stratégies éducatives d'ordre général, mais aussi des mesures de prévention pratiques telles qu'une meilleure diffusion des préservatifs, tant masculins que féminins. Il encourage le Gouvernement à solliciter une assistance internationale à cette fin. Il souligne que la collecte de données fiables sur le taux de prévalence du VIH/sida est essentielle pour une meilleure compréhension de cette pandémie et une meilleure formulation des programmes et politiques dans ce domaine.

61. Le Comité exprime sa préoccupation face au taux élevé de mortalité maternelle, particulièrement dans les régions rurales, ainsi qu'au nombre de décès faisant suite à des avortements clandestins.

62. Il recommande que l'État partie ne néglige aucun effort pour améliorer l'accès aux soins de santé et la fourniture de soins médicaux par du personnel qualifié dans toutes les régions, y compris les régions rurales, avec notamment pour objectif d'augmenter le nombre des accouchements bénéficiant d'une assistance professionnelle. Il recommande l'adoption de mesures efficaces (éducation sexuelle, campagnes d'information, fourniture de produits contraceptifs efficaces, etc.) pour réduire le nombre des avortements clandestins. Il souligne que l'avortement ne doit pas être utilisé comme méthode de contrôle des naissances.

63. Le Comité s'inquiète de la persistance de stéréotypes qui confinent les femmes et les filles à des rôles traditionnels.

64. Le Comité invite le Gouvernement à adopter des mesures concrètes, et notamment des campagnes de sensibilisation générale et sectorielle, en vue d'éliminer des préjugés et stéréotypes profondément enracinés et de réaliser l'égalité de fait entre les hommes et les femmes.

65. Il encourage le Gouvernement à envisager de ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention et à accepter l'amendement figurant au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention relatif aux réunions du Comité.

66. Le Comité prie instamment le Gouvernement de répondre, dans son prochain rapport périodique, aux points soulevés dans les présentes conclusions. Il exhorte également le Gouvernement à renforcer la collecte et l'analyse de données statistiques ventilées par sexe et par classe d'âge, et à les inclure dans son prochain rapport.

67. Le Comité demande que le texte des présentes conclusions soit largement diffusé au Burundi de façon à informer le public, et notamment les membres de l'administration, les fonctionnaires et le personnel politique, des mesures prises en vue de garantir l'égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes, ainsi que des mesures supplémentaires à adopter dans ce domaine. Il presse également le Gouvernement de continuer à assurer une large publicité à la Convention, à son Protocole facultatif, aux recommandations d'or-dre général du Comité, à la Déclaration et au Programme d'action de Beijing et aux conclusions de la trente-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle » qui s'est déroulée en juin 2000, et ceci notamment parmi les associations féminines et les organisations de défense des droits de l'homme.



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