Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Tunisie, U.N. Doc. CAT/C/20/Add.7 (1997).
1. Le présent rapport périodique est établi en vertu de l'article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
2. Conformément aux directives générales du Comité contre la torture, ce rapport est divisé en deux parties. La première comporte des renseignements sur les nouvelles mesures et les nouveaux faits relatifs à l'application de la Convention, en suivant l'ordre des articles 2 à 16, la deuxième contient un complément d'information et des réponses aux observations émises par le Comité lors de l'examen du rapport initial, le 25 avril 1990.
3. Cette introduction s'attachera à évoquer les principales mesures entreprises durant la période 1990-1993 que couvre ce rapport et ayant trait au renforcement de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Pour plus d'informations à ce sujet, il convient cependant de se référer au document de base présenté par la Tunisie au Secrétariat des Nations Unies le 16 mai 1994 et constituant la première partie des rapports du pays en tant qu'Etat partie aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme (HRI/CORE/1/Add.46).
4. S'agissant des réformes introduites au cours des années 1991-1993 et qui confortent l'action des pouvoirs publics visant à garantir le respect de la dignité humaine et le renforcement des droits de l'homme, il y a lieu de mentionner tout d'abord la mise en place de structures nouvelles tendant à consolider les assises de l'Etat de droit et à favoriser ainsi la promotion et la protection des droits et libertés fondamentales. Il s'agit notamment de :
- La création, par décret No 91-54 du 7 janvier 1991, du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui est une institution nationale consultative chargée, entre autres, d'assister le Président de la République dans son action en faveur des droits de l'homme.
- La nomination depuis le 19 juin 1991 d'un conseiller principal auprès du Président de la République, chargé des droits de l'homme.
- L'établissement en 1992 d'unités de droits de l'homme au sein des Ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères.
5. L'engagement de la Tunisie en faveur de la promotion continue des droits de l'homme s'est traduit, en outre, par l'adoption de mesures nouvelles aux niveaux législatif et administratif.
6. C'est ainsi qu'une importante réforme a été introduite au Code de procédure pénale, en novembre 1993, portant notamment allégement de la durée de la détention préventive aussi bien en matière de délits que de crimes. Faisant suite à une première réduction de cette durée, en 1987, au lendemain de l'avènement de l'ère nouvelle, la réforme de 1993 confirme le souci du législateur de renforcer la protection de la liberté de l'individu.
7. Sur un autre plan et afin de sensibiliser et de responsabiliser davantage les agents publics au respect des normes internes et internationales de protection des droits de l'homme dans l'exercice de leurs fonctions, l'enseignement des droits de l'homme a été introduit au niveau de l'administration.
8. A cet effet, le Ministre de l'intérieur a émis, le 15 juin 1991, une circulaire relative à l'intégration de la matière "droits de l'homme" dans les programmes de formation et de recyclage au profit des agents des forces de sécurité intérieure.
9. Dans le cadre de cet objectif, le Ministère de l'intérieur a publié un code de conduite pour les agents chargés de l'exécution des lois afin de les amener à prendre davantage conscience de leurs devoirs et de leurs responsabilités et partant, à ne pas commettre d'abus.
10. Une circulaire a été également publiée le 26 juin 1992 par le Ministère de la justice, organisant le programme d'enseignement des droits de l'homme dans le cadre de la formation et de l'apprentissage assurés aux magistrats par l'Institut supérieur de la magistrature.
11. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que sur recommandation du Président de la République, en date du 10 février 1991, une chaire des droits de l'homme a été créée dans les universités tunisiennes contribuant ainsi à une meilleure connaissance des droits de l'homme et à la diffusion de la culture de ces droits.
12. L'obligation pour les agents publics de respecter les lois et règlements dans l'exercice de leurs fonctions a retenu l'attention personnelle du Président de la République. En effet, à la suite d'allégations d'abus qui lui ont été rapportées au courant de l'année 1991, le chef de l'Etat a décidé, le 20 juin 1991, la constitution pour la première fois d'une commission d'investigation indépendante qui a été chargée de vérifier les faits signalés. Les résultats de cette enquête ont été suivis par l'adoption de mesures disciplinaires et la condamnation des agents auteurs d'actes d'abus.
13. C'est également dans le souci de préserver la dignité humaine dans n'importe quelles circonstances que le chef de l'Etat a habilité le 10 décembre 1992, par mandat spécial, le Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales à effectuer des visites aux prisons, aux maisons d'arrêt et d'hébergement ou d'observation des mineurs, pour vérifier le degré de respect des lois et des règlements en vigueur. A ce titre, le Président du Comité a effectué plusieurs visites dans les prisons et cette pratique a été par la suite institutionnalisée puisque le Président du Comité peut désormais se rendre dans les prisons sans autorisation préalable.
14. L'ensemble des mesures prises en Tunisie à l'effet de prévenir, d'empêcher ou de réprimer toutes violations des droits de l'homme, conforte l'engagement de notre pays en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme ainsi que son attachement à assurer le fonctionnement normal des institutions judiciaires et la garantie des droits.
RENSEIGNEMENTS SUR LES NOUVELLES MESURES ET FAITS NOUVEAUX RELATIFS A L'APPLICATION DES ARTICLES 2 A 16 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS
Article 2
15. Soucieux de protéger l'intégrité physique et morale de l'individu, notamment contre certains manquements au devoir de la charge publique, le droit positif tunisien réprime sévèrement l'exercice de telles pratiques. Dans cet esprit, le législateur a assuré la protection de l'individu contre les actes de torture aussi bien en droit pénal qu'en procédures pénales.
16. S'agissant du Code pénal, l'article 101 incrimine "l'usage de la violence envers les personnes" et dispose à cet effet que tout fonctionnaire public ou assimilé qui, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions a, sans motif légitime, usé ou fait user de violence envers les personnes, est passible d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende.
17. L'article 101 démontre ainsi que le législateur a opté pour une définition large de la torture et ne se limite pas à la répression de la torture physique, la torture morale étant également réprimée. En effet, l'article 102 souligne que le fonctionnaire ou assimilé qui, sans observer les formalités requises ou sans nécessité démontrée, pénètre dans la demeure d'un particulier contre le gré de celui-ci, est passible d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende.
18. En outre, la sanction pénale est particulièrement sévère lorsque la torture est perpétrée dans le cadre d'une affaire à caractère judiciaire. C'est ce qui ressort de l'article 103 du même Code qui précise que le fonctionnaire public portant atteinte illégitime à la liberté d'autrui ou usant de violences ou de mauvais traitements contre un accusé, un témoin, un expert, pour en obtenir des aveux ou des déclarations, est passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans et d'une amende. Lorsqu'il n'est question que de menaces de violences ou de mauvais traitements, le maximum de la peine d'emprisonnement est réduit à six mois.
19. De même, les abus d'autorité perpétrés contre les biens des particuliers, par des agents publics, sont considérés comme des actes de torture. Le Code pénal souligne à cet égard que tout fonctionnaire public ou assimilé qui, en ayant recours à des actes de violence ou de mauvais traitements, a acquis une propriété immobilière ou mobilière contre le gré du propriétaire, qui s'en est injustement emparé ou qui a obligé le propriétaire à la céder à autrui, est passible d'un emprisonnement de deux ans. Le juge prononce la restitution du bien spolié ou de sa valeur s'il n'existe plus en nature, sous réserve des droits des tiers de bonne foi.
20. En outre, les fonctionnaires publics ou assimilés qui, en recourant à des actes de violence ou de mauvais traitements, ont employé des hommes de corvée à des travaux autres que ceux d'utilité publique ordonnés par le gouvernement ou reconnus urgents dans l'intérêt des populations, sont passibles d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende (art. 104 et 105).
21. S'agissant de la protection fournie en matière des procédures pénales l'article 10 du Code de procédure pénale a énuméré les agents de la police judiciaire et les magistrats habilités à ordonner une information judiciaire sur les crimes. Cet article dispose que la police judiciaire est exercée sous l'autorité des avocats généraux et ce, dans chaque ressort de cour d'appel, par :
- Les procureurs de la République et leurs substituts;
- Les juges cantonaux;
- Les commissaires de police, officiers de police et chefs de poste de police;
- Les officiers, sous-officiers et chefs de poste de la garde nationale;
- Les cheikhs;
- Les agents des administrations qui ont reçu de lois spéciales le pouvoir de rechercher et de constater par des procès-verbaux certaines infractions;
- Les juges d'instruction dans les cas prévus par le présent Code.
22. Après le changement du 7 novembre 1987, le législateur s'est engagé à renforcer la protection de la liberté de l'individu contre l'arrestation et la détention arbitraires et ce, en incluant des garanties dans le Code de procédure pénale.
23. Dans ce cadre, une loi No 87-70 a été promulguée le 26 novembre 1987, portant amendement de certains articles du Code de procédure pénale et fixant pour la première fois la durée de la garde à vue. En effet, l'article 13 bis souligne que les agents chargés de l'application des lois ne peuvent garder le suspect pour une durée dépassant quatre jours. Ils sont tenus d'en aviser l'autorité judiciaire représentée par le Procureur de la République. Cette autorité peut, par décision écrite, prolonger une première fois ce délai pour la même durée et, en cas de nécessité absolue, le prolonger une deuxième fois pour une durée de deux jours seulement.
24. Il est à observer qu'avant la loi du 26 novembre 1987 la garde à vue n'était pas réglementée et le suspect pouvait par conséquent demeurer détenu sans que l'autorité judiciaire n'en soit informée. Cette loi a en outre introduit une réforme majeure et une garantie supplémentaire en énonçant qu'au cours de la garde à vue ou à l'expiration de celle-ci, la personne gardée à vue ou l'un de ses ascendants, descendants, frères, soeurs ou conjoint peut demander un examen médical; mention en est faite au procès-verbal qui doit toujours consigner le jour et l'heure du commencement et de la fin aussi bien de la garde à vue que de tout interrogatoire.
25. L'article 84 du Code de procédure pénale proclame expressément que la détention préventive est une mesure exceptionnelle. Il est à signaler que celle-ci ne peut dépasser 12 mois pour les délits et 18 mois pour les crimes.
26. L'article 85 amendé énonce que l'inculpé peut être soumis à la détention préventive dans les cas de crimes ou délits flagrants et toutes les fois qu'en raison de l'existence de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme une mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme une garantie de l'exécution de la peine ou comme un moyen d'assurer la sécurité de l'information.
27. La détention préventive ne peut dans les cas susvisés dépasser six mois. Si l'intérêt de l'instruction le justifie, le juge d'instruction peut, après avis du Procureur de la République, et par ordonnance motivée, renouveler une seule fois la période de détention en cas de délit, et deux fois en cas de crime, sans que toutefois chaque période dépasse six mois. L'ordonnance de renouvellement est susceptible d'appel devant la Chambre d'accusation.
28. L'article 85 souligne également que la mise en liberté avec ou sans cautionnement est de droit, cinq jours après l'interrogatoire, pour l'inculpé ayant une résidence fixe sur le territoire tunisien et n'ayant jamais été condamné à aucune peine supérieure à trois mois d'emprisonnement, quand le maximum de la peine prévue par la loi est un an d'emprisonnement.
29. Cet article a connu le 22 novembre 1993 un autre amendement après celui de 1987, portant allégement supplémentaire de la détention préventive. La durée maximale de la détention ne peut désormais excéder 10 mois pour les délits et 14 mois pour les crimes.
30. Les nouvelles dispositions de cet article précisent à ce sujet que si l'intérêt de l'instruction le justifie, le juge d'instruction peut, après avis du Procureur de la République et par ordonnance motivée, décider de prolonger la détention, une seule fois en cas de délit, pour une durée qui ne peut être supérieure à trois mois, et deux fois, en cas de crime, sans que chaque durée dépasse quatre mois.
31. Après exécution du mandat d'amener, le juge d'instruction interroge le prévenu dans les trois jours au plus tard de son entrée dans la maison de dépôt. A l'expiration de ce délai, le prévenu est conduit au parquet qui requiert du juge d'instruction l'interrogatoire immédiat.
32. En cas de refus ou d'impossibilité, l'interrogatoire est fait par le Président du tribunal ou par le juge qu'il désigne, faute de quoi le Procureur de la République ordonne la mise en liberté immédiate du prévenu (art. 79 du Code de procédure pénale). Ce dernier bénéficie des mêmes garanties si le tribunal décerne contre lui un mandat d'amener ou un mandat de dépôt (art. 142 du même Code).
33. Lors de la première comparution devant le juge d'instruction, celui-ci fait connaître au prévenu les faits qui lui sont imputés et les textes de loi applicables à ces faits et reçoit ses déclarations après l'avoir averti de son droit de ne répondre qu'en présence d'un conseil de son choix (un avocat). Mention de cet avertissement est faite au procès-verbal (art. 69 du Code de procédure pénale).
34. Pour le bon déroulement de l'instruction, le juge d'instruction peut décider de la détention à titre préventif du prévenu à condition toutefois que cette décision qui est assortie d'un certain nombre de règles, soit prise à titre exceptionnel.
35. Par ailleurs, il est à souligner que depuis l'avènement de l'ère nouvelle, le 7 novembre 1987, un intérêt particulier a été accordé par les pouvoirs publics aux conditions de détention. Cet aspect a été traité en détail dans le rapport initial. Il est toutefois à rappeler que parmi les garanties énoncées en faveur de la protection des droits des détenus, la réglementation des prisons, établie en vertu du décret No 88-1876 du 14 novembre 1988, exige une décision de l'autorité judiciaire pour recevoir les détenus. De même, les détenus ne peuvent être soumis à aucune mesure policière. Toutefois, les agents de la police judiciaire, munis d'une commission rogatoire émise par l'autorité judiciaire, peuvent être autorisés à interroger un détenu impliqué dans une autre affaire.
36. Dans le cadre des efforts déployés en vue d'assurer la protection de l'individu contre tout acte de torture, le Ministre de l'intérieur a émis deux circulaires No 6 et No 53 des 3 janvier et 12 février 1992, respectivement, ayant trait aux relations de l'agent des forces de sécurité avec le citoyen (voir annexe). L'objet de ces circulaires sera évoqué plus en détail dans les développements ultérieurs.
37. En outre, le Ministre de l'intérieur a émis une circulaire No 32 en date du 28 mai 1992 relative à la création d'une cellule des droits de l'homme au sein de la direction générale des affaires politiques. Cette structure est notamment chargée d'informer les familles de la situation des détenus et de mener des enquêtes suite à des plaintes émanant de citoyens.
38. Durant les premiers mois de l'année 1991 marqués par la multiplication des actes de violence du mouvement illégal dit "Ennahdha" et la découverte du complot intégriste visant le renversement du régime par la violence, des allégations faisant état de prétendus abus commis par des agents de l'ordre à l'encontre de détenus ont été portées à la connaissance du Président de la République. Le 20 juin 1991, le chef de l'Etat a décidé de constituer une commission d'investigation indépendante pour vérifier les allégations de mauvais traitements. Le Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été nommé président de la commission dont il fut chargé de choisir les membres.
39. Dans son rapport, la commission d'investigation a fait état de quelques cas de mauvais traitements, tout en soulignant qu'il ne s'agit là que de comportements isolés ne reflétant pas la politique de l'Etat. Elle a recommandé de prendre des mesures à l'encontre des auteurs d'abus afin que ces agissements ne se reproduisent plus. A la lumière de cette enquête, des mesures disciplinaires et judiciaires ont été prises à l'encontre de certains agents de l'ordre pour abus de pouvoir. Quatre-vingt-huit cas ont été déférés devant la justice; des peines diverses allant jusqu'à l'emprisonnement ont été prononcées contre les contrevenants, 21 agents de l'ordre ont été démis de leurs fonctions.
40. Le Ministère de l'intérieur a toutefois indiqué que de nombreuses allégations de dépassement de délai de la garde à vue ne sont pas fondées. Il a été ainsi établi comment les activistes du mouvement extrémiste illégal dit "Ennahdha" impliqués dans des crimes qualifiés, se cachaient à l'insu de leurs familles par peur d'être arrêtés, ce qui avait fait croire à ces dernières que l'arrestation avait eu lieu bien avant la date effective d'arrestation, de sorte qu'en prenant l'attache des organisations nationales et internationales des droits de l'homme elles donnaient la date de la disparition et donc de l'arrestation présumée.
41. Par ailleurs, et dans le but de renforcer les mesures déjà prises afin de prévenir ou d'empêcher que des actes de torture ou de mauvais traitements soient commis, le Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été autorisé, par décret en date du 10 décembre 1992, à visiter les prisons, maisons d'arrêt et centres de détention ou de mise en observation des mineurs, sur mandat spécial du Président de la République.
42. Donnant suite à cette décision, le Président du Comité a rendu visite, le 6 janvier 1993, à la prison des femmes de la Manouba pour s'assurer du degré de respect des lois et des dispositions réglementant la détention. Par la suite, il a adressé au chef de l'Etat un rapport l'informant des constatations qu'il a dressées à l'issue de cette visite.
43. La Constitution tunisienne énonce dans son article 7 l'interdiction d'extrader les réfugiés politiques. Toutefois, hors cette exception majeure, le Code de procédure pénale réglemente la procédure de l'extradition dans le chapitre 8 du livre 4 relatif aux procédures particulières (art. 308 à 335).
44. En effet, l'article 308 du Code prévoit que, sauf dispositions contraires contenues dans les traités, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont régis par ledit chapitre. La réserve apportée dans cet article concerne la primauté du droit conventionnel sur le droit national. A ce titre, les conventions bilatérales d'entraide judiciaire signées par la Tunisie avec plusieurs pays, ainsi que les Conventions internationales traitant de l'extradition comme c'est le cas de la Convention contre la torture, ont une priorité d'application par rapport aux dispositions du Code de procédure pénale.
45. L'article 308 n'est en réalité qu'un rappel du principe de la primauté des Conventions ratifiées sur les lois internes, tel qu'énoncé dans l'article 32 de la Constitution tunisienne qui affirme que les traités dûment ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois.
46. En conséquence, l'article 3 de la Convention s'applique intégralement et complète les dispositions du Code de procédure pénale qui ne permet pas l'extradition "lorsque le crime ou le délit a un caractère politique ou qu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique" (art. 313 du Code de procédure pénale). Les dispositions de la Convention complètent ainsi le droit tunisien relatif à l'extradition.
47. Le droit tunisien garantit les droits de la personne susceptible d'être extradée. En effet, ce n'est ni l'autorité politique ni l'autorité administrative qui apprécie "... les motifs sérieux de croire que la personne extradée risque d'être soumise à la torture" et l'existence dans l'Etat intéressé "d'un ensemble de violations systématiques, flagrantes ou massives des droits de l'homme". Seule la Chambre d'accusation de la cour d'appel de Tunis est compétente en matière d'examen des demandes d'extradition (art. 321 du Code de procédure pénale). Dans le cas où cette instance émet un avis défavorable, celui-ci est définitif et l'extradition ne peut être accordée (art. 323 du Code de procédure pénale).
48. Le Code pénal tunisien a réservé une série d'articles qui traitent des abus d'autorité commis par les fonctionnaires ou assimilés. Ainsi :
a) L'article 101 qui qualifie expressément d'infraction l'usage de la violence punit de cinq ans de prison et d'une amende tout fonctionnaire public ou assimilé qui, dans l'exercice de ses fonctions, a sans motif légitime usé ou fait user de violence envers les personnes. La Cour de cassation a défini le domaine d'application de l'article 101. En effet, la décision pénale No 4960 du 16 janvier 1967 retient le principe selon lequel l'article 101 "prévoit des sanctions à l'encontre du fonctionnaire qui agresse autrui dans l'exercice de ses fonctions". Ce texte figure sous le titre "Abus d'autorité", ce qui signifie qu'il ne s'applique qu'aux fonctionnaires investis par la loi et le gouvernement d'une autorité et ce, afin de maintenir l'ordre public ou appliquer les lois ou les règlements ou encore pour exécuter les décisions gouvernementales ou judiciaires.
b) Est passible de la même peine le fonctionnaire public qui porte une atteinte illégitime à la liberté individuelle d'autrui ou qui exerce ou fait exercer des violences ou de mauvais traitements contre un accusé, un témoin, un expert, pour en obtenir des aveux ou des déclarations (art. 103, al. 1).
c) La menace de violences ou de mauvais traitements exercée par le fonctionnaire est punie de six mois d'emprisonnement (art. 103, al. 2).
d) Le fonctionnaire public ou assimilé est passible de deux ans d'emprisonnement et d'une amende lorsque, en recourant à l'un des moyens visés dans l'article 103, a employé des hommes de corvée à des travaux autres que ceux d'utilité publique ordonnés par le Gouvernement (art. 105).
49. Les fonctionnaires reconnus coupables d'atteinte à la liberté individuelle, de violence ou de torture peuvent être privés de l'exercice de certains droits tels que l'exercice dans la fonction publique, l'exercice de certaines professions, l'exercice du droit de vote, le port d'armes ou de tous insignes honorifiques officiels (art. 115).
50. Il est à remarquer dans ce contexte que le droit pénal tunisien adopte une acception très large de la qualité de fonctionnaire public. En effet, l'article 82 définit les fonctionnaires publics comme étant ceux qui "sont investis d'un mandat même temporaire, rémunéré ou gratuit, dont l'exécution se lie à un intérêt public et qui, à ce titre, concourt au service de l'Etat, des administrations publiques, des communes ou même des établissements publics".
51. Ainsi, la qualité de fonctionnaire influe sur la détermination de la peine encourue lorsqu'il y a usage de violence ou de voie de fait. Cette qualité constitue une circonstance aggravante dont le législateur fixe lui-même les conséquences et que le juge prend en considération dans la détermination de la peine qu'il prononce.
52. Des sanctions sévères sont donc appliquées en cas de violence, de voie de fait, de torture ou de tout traitement cruel commis au cours d'une enquête et d'une façon générale lorsque des personnes se trouvent privées de leur liberté suite à des abus ou des traitements anormaux.
53. Le Code pénal prévoit la répression des violences quelles que soient leurs formes, directes ou indirectes, physiques ou morales.
54. Les fonctionnaires publics sont toutefois passibles des sanctions les plus sévères, déterminées par le Code pénal, si les conséquences de leurs actes s'avèrent particulièrement graves. En effet, le fonctionnaire public auteur d'actes de torture est toujours exposé à la peine la plus lourde. Ainsi :
a) En cas de violence pour enlèvement ou détournement, l'article 237 nouveau du Code pénal, tel que modifié en 1989, prévoit que si une incapacité corporelle ou une maladie fait suite à ce crime, l'auteur est passible d'emprisonnement à vie. Il en est de même en cas d'arrestation, de détention ou de séquestration arbitraire lorsqu'une incapacité corporelle ou une maladie en résulte (art. 251). La peine est de 10 à 20 ans d'emprisonnement lorsque la maladie ou l'incapacité corporelle fait suite à un détournement de véhicule terrestre, aérien ou maritime (art. 306 bis).
b) En cas de violence intentionnelle, le Code pénal distingue, par ordre de gravité :
- Les voies de fait ou les violences n'entraînant pour la santé d'autrui aucune conséquence sérieuse ou durable. Les auteurs de telles violences sont passibles de 15 jours d'emprisonnement et d'une amende (art. 319);
- Les violences entraînant pour la santé de la victime des conséquences sérieuses (art. 218 et suiv. du Code pénal). En effet, en cas de blessures, de coups ou de toute autre violence, la peine est d'un an d'emprisonnement et d'une amende. S'il y a préméditation, la peine est de trois ans d'emprisonnement. Si les violences ont été suivies de mutilation, perte de l'usage d'un membre, défiguration, infirmité ou incapacité permanente de moins de 20 %, la peine sera de cinq ans d'emprisonnement. Si l'incapacité dépasse 20 %, la peine sera de six ans d'emprisonnement (art. 219). En outre, la simple participation à une rixe ayant engendré des conséquences sérieuses pour la victime est punissable d'une peine d'emprisonnement de six mois (art. 220).
c) En cas de menaces de violence, toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, menace autrui d'un attentat qui serait punissable de peines criminelles est passible d'une peine de six mois à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende. Cette peine est portée au double si les menaces sont faites avec ordre ou sous conditions, quand bien même elles seraient verbales (art. 222, modifié en 1977). Par ailleurs, celui qui menace autrui à l'aide d'une arme, même sans avoir l'intention d'en faire usage, est passible d'un emprisonnement d'un an et d'une amende (art. 223).
55. La protection assurée par le droit pénal tunisien à tous les individus n'est pas une protection formelle ou une simple formulation de principe, mais elle s'applique en pratique. Cet aspect ayant été déjà évoqué, il y a lieu de se référer aux informations fournies à ce sujet dans le cadre de l'article 2.
56. Les règles générales de compétence s'appliquent dans le cas particulier des actes de torture ou de violence. En effet, l'article 129 du Code de procédure pénale dispose de façon générale que "sont compétents pour connaître d'une infraction, le tribunal du lieu où elle a été commise, celui du domicile du prévenu, celui de sa dernière résidence ou celui du lieu où il a été trouvé". Le domaine large de la compétence des tribunaux tunisiens s'applique aussi bien en cas de conflit de compétence entre deux tribunaux tunisiens qu'en cas de conflit entre un tribunal tunisien et un tribunal étranger.
57. Pour le cas d'un Tunisien victime d'actes de torture commis à l'étranger par des non-Tunisiens et aussi pour le cas de l'étranger arrêté en Tunisie pour une infraction commise à l'étranger, sans qu'une procédure d'extradition soit engagée, les tribunaux tunisiens sont en mesure d'établir leur compétence, et ce en vertu des dispositions de l'article 5 de la Convention. Cet article aura ainsi complété les règles générales de compétence prévues par le Code de procédure pénale.
58. Il est à rappeler qu'en ce qui concerne les dispositions de cet article, ce sont les règles générales de procédure qui s'appliquent, et ce en l'absence d'une demande d'extradition. Dans le cadre de cette procédure et au cas où une personne est soupçonnée d'avoir commis des actes de torture pouvant être qualifiés de crime, le Procureur de la République du ressort duquel l'arrestation de l'étranger a eu lieu "procède sans délai à un interrogatoire d'identité, notifie à l'intéressé le titre en vertu duquel l'arrestation a été opérée et dresse procès-verbal du tout" (art. 319 du Code de procédure pénale). Après quoi, "l'étranger comparaît devant la Chambre d'accusation de la cour d'appel de Tunis dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification du titre d'arrestation. Il est alors procédé à un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal. Le ministère public et l'intéressé sont entendus. Ce dernier peut se faire assister d'un avocat. Il peut être remis en liberté provisoire à tout moment de la procédure, conformément aux dispositions du présent Code" (art. 321 du Code de procédure pénale).
59. En dehors de la procédure spéciale de l'extradition, la personne étrangère suspecte est convoquée pour être interrogée et, si elle ne comparaît pas, un mandat d'amener est délivré par le juge d'instruction. Le mandat indique l'objet de l'inculpation, les textes de loi applicables et contient l'injonction à tout agent de la force publique de procéder à son arrestation. Après interrogatoire dans les trois jours, le juge d'instruction peut, sur conclusion du Procureur de la République, décerner un mandat de dépôt si le fait est punissable d'une peine d'emprisonnement ou d'une peine plus grave. Lors de la première comparution, le détenu peut ne répondre qu'en présence d'un conseil de son choix. Par ailleurs, et après cette première comparution, l'inculpé détenu est autorisé à communiquer à tout moment avec son conseil.
60. Il résulte de ces règles générales qu'un étranger détenu peut communiquer avec le représentant qualifié de son Etat, même en l'absence d'une disposition expresse dans ce sens. Dans la pratique, cette communication est de règle.
61. Les paragraphes 3 et 4 de l'article 6 de la Convention viennent compléter les règles de procédure du droit tunisien, en ce sens que la personne étrangère détenue est autorisée non seulement à communiquer à tout moment avec son conseil (c'est-à-dire son avocat, et ce en vertu de l'article 70 du Code de procédure pénale), d'ailleurs le plus souvent chargé de la défense de la personne accusée par les autorités diplomatiques ou consulaires de son pays, mais elle est également autorisée à "communiquer immédiatement avec le plus proche représentant qualifié de l'Etat dont elle a la nationalité ou, s'il s'agit d'une personne apatride, avec le représentant de l'Etat où elle réside habituellement", comme énoncé dans le paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention.
62. En outre, il convient d'observer que les conventions d'entraide judiciaire signées entre la Tunisie et plusieurs pays prévoient très souvent parmi les règles qu'elles édictent les communications objet de l'article 6 susvisé.
63. L'article 7 dispose que l'Etat partie sous la juridiction duquel l'auteur d'actes de torture est découvert doit, s'il ne l'extrade pas, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Les procédures et les condamnations doivent être les mêmes que celles pour les infractions de caractère grave et ne seront en aucune façon moins rigoureuses que celles qui s'appliquent dans les cas où l'infraction a été commise sur le territoire de l'Etat ou lorsque l'auteur ou la victime sont des ressortissants de cet Etat.
64. Il a déjà été relevé à l'occasion du commentaire de l'article 5 que les dispositions de la Convention en la matière portent une extension de la compétence de la juridiction tunisienne au cas seulement où la victime est tunisienne et au cas où l'auteur de l'infraction est découvert sur le territoire tunisien sans qu'il soit extradé.
65. En droit pénal tunisien, l'usage de violence par des fonctionnaires ou assimilés, est considéré comme une infraction grave, spécialement lorsqu'il entraîne des blessures, défiguration ou une incapacité permanente. Il en est de même pour les agressions et les violations exercées par un citoyen sur un autre citoyen lorsqu'elles entraînent une incapacité permanente égale ou supérieure à 20 %.
66. Le ministère public représenté par le Procureur de la République est chargé de la constatation des infractions, de la réception des dénonciations qui lui sont faites par les fonctionnaires publics ou les particuliers, ainsi que des plaintes des parties lésées (art. 26 du Code de procédure pénale). Le Procureur de la République entreprend les poursuites et traduit le prévenu devant le tribunal si les actes reprochés relèvent des délits ou des contraventions et ordonne obligatoirement l'ouverture d'une instruction judiciaire si les actes reprochés sont qualifiés de crime (art. 47 du Code).
67. Le juge d'instruction procède à l'interrogatoire du prévenu. Il lui fait connaître les faits qui lui sont reprochés et les textes de loi applicables à ces faits, et reçoit ses déclarations, après l'avoir averti de son droit de ne répondre qu'en présence d'un conseil de son choix. Mention de cet avertissement est faite au procès-verbal. A défaut de choix, quand le prévenu est inculpé de crime et demande qu'on lui désigne un défenseur, un conseil doit lui être désigné par le Président du tribunal (art. 69 du Code). L'inculpé détenu est autorisé à communiquer à tout moment avec son conseil (art. 70).
68. La procédure de l'instruction est mise à la disposition de l'avocat-conseil 24 heures avant l'interrogatoire. L'avocat-conseil peut prendre la parole après autorisation du juge d'instruction. Enfin, le procès-verbal est dressé séance tenante, l'interrogatoire est lu devant le prévenu, coté, paraphé et signé par le juge, le greffier, le comparant et, s'il y a lieu, l'avocat et l'interprète (art. 72). Les pièces à conviction sont présentées au prévenu afin qu'il déclare s'il les reconnaît et pour faire toutes observations à leur sujet.
69. Pour ce qui est des actes qualifiés de délits, le Procureur de la République peut se contenter de recevoir les déclarations du prévenu qui, au cours de l'interrogatoire ou pendant la durée de la garde à vue, bénéficie des garanties nécessaires. La personne gardée à vue ou l'un de ses ascendants, descendants, frères, soeurs, ou son conjoint, peut demander un examen médical. Mention est faite de cette demande dans le procès-verbal, qui doit toujours consigner le jour et l'heure du commencement de la garde à vue ainsi que de sa fin. De même, le jour et l'heure du commencement de tout interrogatoire ainsi que de sa fin doivent être consignés. Le procès-verbal doit être émargé par la personne gardée à vue; en cas de refus, il en est fait mention avec indication des motifs.
70. Les officiers de police judiciaire doivent tenir dans les postes où s'opère la garde à vue un registre spécial coté où sont portées les identités des personnes gardées à leur disposition avec indication du jour et de l'heure du commencement de la garde à vue ainsi que de sa fin (art. 13 bis du Code de procédure pénale). Il est entendu qu'un contrôle administratif et judiciaire s'opère sur la véracité des indications contenues dans ces registres. En effet, l'inspection générale des services de la police et celle de la garde nationale peuvent opérer à tout moment une vérification sur ces registres. Le contrôle judiciaire s'opère par l'intermédiaire des avocats généraux des cours d'appel, sous l'autorité desquels tous les agents de la police judiciaire exercent leurs fonctions et ce, conformément aux dispositions de l'article 10 du Code de procédure pénale. Des sanctions disciplinaires ou des poursuites judiciaires peuvent être ordonnées suite à ce double contrôle.
71. L'auteur d'actes de torture reste menacé de poursuite tant que l'action publique n'est pas prescrite. La prescription a lieu après dix ans révolus si l'acte de torture est qualifié de crime et après trois ans révolus s'il est qualifié de délit et ce, à compter du jour où l'infraction a été commise. Il est à observer que la prescription est suspendue par tout obstacle de droit ou de fait empêchant l'exercice de l'action publique (art. 5 du Code pénal). L'action publique peut reprendre son cours chaque fois que des charges nouvelles se présentent. En effet, l'article 121 du Code de procédure pénale précise à ce sujet que sont considérés comme charges nouvelles, les déclarations de témoins, les pièces et les procès-verbaux qui, n'ayant pu être soumis à l'examen du juge d'instruction ou de la Chambre d'accusation, sont cependant de nature à fortifier les charges qui auraient été jugées trop faibles, ou à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité. Il appartient au Procureur de la République ou à l'Avocat général seuls de décider s'il y a lieu de requérir la réouverture de l'information sur charges nouvelles.
72. La législation tunisienne est sévère quand il s'agit de réprimer des actes de violence ou de torture. Les droits des prévenus sont cependant préservés, que ce soit au niveau des poursuites engagées par le parquet, au niveau de l'instruction ou au niveau du jugement. Il convient de préciser à cet égard que les actes de torture, quelle que soit leur qualification, sont considérés comme étant des infractions de droit commun à caractère spécialement grave. En effet, même s'ils sont qualifiés de délit et que l'ouverture d'une instruction judiciaire est facultative, il est de tradition dans les instances judiciaires tunisiennes qu'une instruction judiciaire soit toujours ordonnée lorsque le suspect est un agent public et ce, afin d'assurer toutes les garanties d'une bonne marche du procès et d'une bonne administration de la justice.
73. Par ailleurs, les procédures et les condamnations sont les mêmes, quels que soient le lieu de l'infraction et la nationalité des auteurs. En outre, la garantie d'un traitement équitable du prévenu est assurée par le droit tunisien même après la clôture de la procédure, en ce sens qu'il est interdit de publier des extraits des jugements ou de dévoiler l'identité de l'inculpé sauf si la juridiction compétente le décide. En effet, l'article 5 du Code pénal considère la publication du contenu des jugements comme étant une sanction complémentaire.
74. La Constitution tunisienne contient une disposition proclamant le refus des demandes d'extradition de réfugiés politiques. Il s'agit là de la seule exception édictée en la matière qui a été reprise par le Code de procédure pénale. Ce code permet en effet l'extradition dans tous les autres cas et considère les actes de torture, les violences et les traitements inhumains comme étant des infractions susceptibles de donner lieu à extradition.
75. Les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont régis par le Code de procédure pénale, à l'exception des cas où des dispositions spéciales peuvent être prévues dans les traités (art. 308). L'exception concerne aussi bien les conventions bilatérales d'entraide judiciaire que les conventions internationales.
76. En vertu du principe de la primauté des traités sur les lois internes, les dispositions de l'article 8 de la Convention ont une valeur juridique supérieure à ces lois et s'appliquent à l'exclusion de toutes dispositions qui leur seraient contraires dans le Code de procédure pénale.
77. La Tunisie, qui ne subordonne pas l'extradition à l'existence d'un traité, fournit généralement à tout pays requérant toutes les informations utiles et les renseignements concernant les personnes ayant commis des infractions à l'intérieur ou à l'extérieur de son territoire. Les articles 331 et suivants du Code de procédure pénale donnent des exemples de l'entraide judiciaire que peut consentir l'autorité tunisienne même aux Etats avec lesquels il n'est lié par aucun traité. L'article 331 dispose à cet égard :
78. En outre, selon l'article 333 dudit code,
79. Grâce à l'engagement de la Tunisie en matière de coopération internationale, il est pratiquement impossible aux auteurs d'actes de torture de se soustraire aux poursuites, que ces derniers soient sur le territoire tunisien ou en fuite à l'étranger.
80. Parmi les nouvelles mesures entreprises dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 10, on peut mentionner :
a) La publication par le Ministère de l'intérieur, le 15 juin 1991, d'une circulaire No 504 relative à l'intégration de la matière "droits de l'homme" dans les programmes de formation des agents des forces de sécurité intérieure. Le Ministre a insisté à cette occasion sur l'importance particulière à accorder à l'introduction de cette matière dans les programmes de formation et de recyclage prévus pour les cadres et agents concernés et ce, en conformité avec les options démocratiques pour lesquelles notre pays a opté depuis l'avènement de l'ère nouvelle. Il est précisé dans cette circulaire que l'application de ces programmes doit être l'occasion de rappeler les obligations incombant aux agents de la sécurité qui, en leur qualité de fonctionnaires publics, doivent se comporter d'une manière civilisée à l'égard du citoyen et, en outre, d'attirer l'attention sur les sanctions pénales qu'entraîneraient l'abus de pouvoir ainsi que les atteintes aux droits, libertés individuelles et biens d'autrui. Les responsables sont à cet effet invités à suivre la mise en oeuvre de ces programmes et à veiller à l'amélioration des comportements de tous les agents des forces de sécurité où qu'ils se trouvent, conformément aux principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.
b) La publication d'un guide spécial regroupant les divers textes des Nations Unies et les textes nationaux qui est remis aux personnes chargées de l'exécution des lois, dans l'intention d'en faire un instrument de travail et un document de références déterminant leur conduite dans l'exercice de leurs fonctions. Ce document contient les textes suivants :
- La Déclaration du 7 novembre 1987;
- La Constitution de la République tunisienne;
- La Déclaration universelle des droits de l'homme;
- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
- La Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants;
- Des extraits du Code de procédure pénale;
- Le décret portant organisation des établissements pénitentiaires;
- Les règles minima à observer dans le traitement des détenus;
- Les principes du Code de déontologie médicale liés au rôle des fonctionnaires du corps médical, dont notamment les médecins, dans la protection des détenus et des personnes séquestrées contre la torture et les autres formes de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants;
- La déclaration interdisant toutes les formes de discrimination fondées sur la religion ou la conviction;
- Les principes de base concernant l'utilisation de la force et des armes à feu par les fonctionnaires chargés de l'application des lois;
- Les principes de base concernant le rôle des avocats.
La publication du guide en question s'inscrit dans le cadre des options fondamentales de la Tunisie nouvelle et concrétise les directives du Président de la République, en matière de renforcement des libertés publiques et de respect de la dignité de l'individu. Lors de la présentation du guide, le Ministre de l'intérieur a souligné que la tâche qui incombe aux fonctionnaires chargés de veiller au respect de la légalité, consiste à protéger la société et à lui assurer la paix, la sécurité et la stabilité. Cette tâche impose dès lors que ces fonctionnaires soient pleinement conscients de leurs devoirs et de leurs responsabilités, afin que la liberté, l'intégrité et la dignité de la personne soient sauvegardées.
c) La généralisation de la diffusion des circulaires se rapportant aux règles de traitement des détenus et aux sanctions qu'implique tout abus. Une circulaire No 895 du 16 décembre 1991 a été émise à cet effet par le Ministre de l'intérieur exigeant l'affichage du texte du serment que doivent prêter les agents des forces de sécurité intérieure lors de leur entrée en fonction. Le texte du serment mentionne expressément l'obligation pour les agents concernés de se conformer aux règlements et de respecter les lois. Ce serment doit être prêté devant le Président du tribunal de première instance territorialement compétent et un procès-verbal en est dressé (voir annexe).
d) La diffusion de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. Une circulaire No 904 du 24 décembre 1991 a été émise à ce sujet par le Ministre de l'intérieur qui a ordonné l'affichage de ce texte dans les postes de la police et de la garde nationale. Le Ministre de l'intérieur a appelé à cet égard les agents concernés à se conformer à l'ensemble des règles susvisées et à les respecter intégralement (voir annexe).
81. Afin de sensibiliser les agents chargés de l'application des lois au respect des droits de l'homme et de les responsabiliser moralement et juridiquement, le Ministre de l'intérieur a publié la circulaire No 72 du 24 février 1992 relative à la signature par tous les agents et cadres des forces de sécurité intérieure, lorsqu'ils sont chargés d'une fonction de commandement, d'un engagement imposant le respect des droits de l'homme et des libertés publiques.
82. Par ailleurs, et dans le cadre de l'appel lancé par le Ministre de l'intérieur afin d'améliorer les relations avec les citoyens, deux circulaires ont été émises en 1992. La première circulaire No 6 du 3 janvier 1992 souligne la nécessité pour les agents des forces de sécurité de s'attacher à la légalité et à la rigueur dans l'application des lois, sans commettre d'abus ou de dépassement de nature à porter atteinte à l'administration ou à poursuivre l'agent devant les juridictions compétentes. Dans la deuxième circulaire No 53 du 12 février 1992, où il est fait état de l'existence d'une certaine détérioration des relations entre l'agent de sécurité et le citoyen, le Ministre de l'intérieur a recommandé à tous les fonctionnaires concernés de déployer des efforts en vue d'améliorer les rapports avec le citoyen, de l'aider et de faire preuve de compréhension et de patience à son égard (voir annexe).
83. Au niveau du Ministère de la justice, l'Institut supérieur de la magistrature assure aux magistrats une qualification professionnelle moderne et une formation continue. A ce titre, l'Institut a participé à plusieurs séminaires consacrés aux droits de l'homme, et son programme de formation comporte un volet important consacré aux droits de l'homme. Deux arrêtés du Ministre de la justice du 26 juin 1992 organisent l'enseignement de la matière "droits de l'homme" dans le cadre de la formation et de l'apprentissage à l'Institut supérieur de la magistrature.
84. Cette formation comporte, parmi les matières principales, des cours portant sur les droits de l'homme. Ces cours ont pour finalité de développer les connaissances des futurs magistrats par l'étude des conventions internationales, des recommandations et des principes de comportement émis par les Nations Unies et les organisations régionales dans le domaine des droits de l'homme et de familiariser les auditeurs de justice avec les mécanismes de la protection internationale des droits de l'homme et avec le droit comparé.
85. Ces cours, ainsi que les travaux pratiques connexes tels que procès simulés et autres méthodes d'apprentissage, tendent également à cultiver le sens de l'humain et la prise de conscience des critères internationaux visant à garantir les droits des justiciables et à faire régner la justice dans les consciences et les comportements.
86. En plus du contrôle administratif exercé par l'Inspection générale du Ministère de l'intérieur, la dépendance hiérarchique des forces de l'ordre public ayant qualité d'officier de police judiciaire à l'autorité judiciaire, exercée en l'occurrence par le parquet, traduit le souci du législateur tunisien d'assurer un contrôle systématique sur les procédures et pratiques d'arrestation et l'interrogatoire des suspects. Ceci est de nature à empêcher la commission d'actes de torture par les agents chargés de l'application des lois et l'exécution des peines.
87. En effet, l'article 10 du Code de procédure pénale a énuméré les officiers de police judiciaire, à savoir les magistrats habilités à ouvrir une information sur toutes les infractions et les agents chargés de l'application des lois.
88. L'article 13 bis du Code, tel qu'amendé par la loi du 12 novembre 1987, dispose que les agents chargés de l'application des lois ne peuvent garder le suspect pour une durée dépassant quatre jours. Ils sont tenus d'en aviser l'autorité judiciaire représentée par le Procureur de la République. Cette autorité peut, par décision écrite, prolonger une première fois ce délai pour la même durée et, en cas de nécessité absolue, le prolonger une deuxième fois pour une durée de deux jours seulement.
89. La garde à vue est mise systématiquement sous le contrôle du Procureur de la République qui n'ordonne qu'exceptionnellement la prorogation du délai de cette mesure. Le Procureur de la République procède cependant, dans tous les cas et dans la limite des quatre jours, à la constatation de l'état physique du suspect.
90. La même loi énonce qu'au cours de la garde à vue ou à l'expiration de celle-ci, la personne gardée à vue ou l'un de ses ascendants, descendants, frères, soeurs ou conjoint peut demander un examen médical, mention en est faite au procès-verbal qui doit toujours consigner le jour et l'heure du commencement et de la fin aussi bien de la garde à vue que de tout interrogatoire.
91. C'est à ce titre, et comme souligné précédemment, que le Ministère de l'intérieur a émis une circulaire No 904 du 24 décembre 1991 portant diffusion de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, et une autre circulaire No 895 du 16 décembre 1991 relative notamment à la prestation de serment par les agents des forces de sécurité intérieure lors de leur entrée en fonctions. Ce serment souligne la nécessité de respecter les lois et, partant, d'empêcher tout recours à la torture et autres traitements inhumains ou dégradants.
92. La protection du prévenu contre tout acte de torture physique ou morale exige que, lors de la première comparution, le juge d'instruction fasse connaître au prévenu les faits qui lui sont imputés et les textes de loi applicables à ces faits et reçoive ses déclarations après l'avoir averti de son droit de ne répondre qu'en présence d'un conseil de son choix. Mention de cet avertissement est faite au procès-verbal (art. 69 du Code de procédure pénale).
93. Il convient de signaler dans ce contexte que la liberté sous caution ou non est de droit, cinq jours après l'interrogatoire, en faveur du prévenu ayant une résidence fixe sur le territoire tunisien et n'ayant pas déjà été condamné à une peine d'emprisonnement supérieure à trois mois, quand le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à un an d'emprisonnement.
94. Le prévenu peut être soumis à la détention préventive dans les cas de crimes ou délits flagrants et toutes les fois que, en raison de l'existence de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme une mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme une garantie de l'exécution de la peine ou comme un moyen d'assurer la sincérité de l'information. Dans ces cas, la détention préventive ne doit pas dépasser six mois.
95. Si l'intérêt de l'instruction le justifie, le juge d'instruction peut, après avis du Procureur de la République et par ordonnance motivée, renouveler une seule fois la période de détention en cas de délit, pour une durée qui ne peut être supérieure à trois mois, et deux fois en cas de crime sans que toutefois chaque période dépasse quatre mois.
96. L'ordonnance de renouvellement de la période de détention préventive est susceptible d'appel devant la Chambre d'accusation (art. 85 nouveau du Code de procédure pénale). Les délais de prorogation de la détention préventive ont été raccourcis par la loi du 22 novembre 1993. Avant la promulgation de cette loi, la prorogation de ce délai était de six mois pour les délits et de deux fois six mois pour les crimes.
97. Il est à souligner que tout écart des règles susceptibles de garantir la liberté individuelle expose le fonctionnaire public à des poursuites judiciaires pouvant aboutir à son emprisonnement (art. 103 du Code pénal). La personne lésée peut bénéficier de réparation des torts subis. L'article 85 du Code des obligations et des contrats prévoit que le fonctionnaire public qui aurait causé du tort à autrui, doit réparation à la personne lésée. Quant à l'article 86 du même Code, il mentionne expressément que tout fonctionnaire judiciaire qui enfreint à sa mission est responsable des dommages causés à autrui et lui doit réparation quelle que soit l'importance de la réparation prévue par les dispositions pénales.
98. En ce qui concerne les détenus, la réglementation des prisons telle que fixée par le décret du 4 novembre 1988, énonce dans son article 3 que "nul ne peut être admis en prison qu'en exécution d'un jugement ou qu'en vertu d'un mandat d'amener ou d'un mandat de dépôt ou d'un ordre de contrainte par corps". Ainsi, le dépôt n'est possible que sur la base d'une décision émanant d'une autorité judiciaire, ce qui permet une protection considérable des citoyens contre tout emprisonnement illégal, secret ou arbitraire.
99. En vue de la réalisation de cet objectif, il a été procédé à la répartition des prisons en trois catégories, selon la gravité de l'infraction commise et de la peine infligée :
- La première catégorie est celle des prisons principales abritant les condamnés à cinq ans d'emprisonnement ou à une peine plus sévère.
- La seconde catégorie est celle des prisons régionales abritant ceux qui sont en détention préventive et ceux qui sont condamnés pour des délits ou des infractions.
- La troisième catégorie est celle des prisons semi-ouvertes, abritant ceux qui sont astreints au travail rééducatif et ceux condamnés pour des délits ou des contraventions.
100. Pour assurer un traitement humain des détenus et leur garantir une protection efficace contre toute agression physique, morale ou sexuelle, ces derniers sont classés suivant le sexe, l'âge, la nature du crime et la situation pénale, selon que le détenu a fait l'objet d'une condamnation, qu'il est en état d'arrestation, qu'il est novice ou récidiviste. A titre d'illustration, les détenus de sexe féminin sont placés dans des prisons réservées aux femmes. Le cas échéant, elles sont placées dans des pavillons spéciaux. Leur surveillance est assurée par des gardiennes, sous l'autorité du directeur du pénitencier. Les prisonnières ont la possibilité de garder leurs enfants de moins de 3 ans. Toutefois, cet âge peut être relevé à la demande de la mère et avec l'approbation de la direction du pénitencier (art. 9 dudit décret).
101. L'administration pénitentiaire est tenue de procurer au détenu un lit individuel. Le régime de détention est collectif de jour comme de nuit. Cependant, chaque fois que l'intérêt de l'enquête et la sécurité du détenu l'exigent, ce dernier peut être isolé dans une pièce dotée des commodités essentielles et des facilités sanitaires nécessaires. Dans un tel cas, il est interdit de réunir deux prisonniers dans une même pièce (art. 10 du décret).
102. La réglementation des prisons énumère les droits du détenu que les agents chargés de l'application des lois sont tenus de respecter :
- Droit aux soins médicaux et aux médicaments;
- Droit à la propreté;
- Droit de recevoir la visite et les cadeaux de ses proches;
- Droit de rencontrer l'avocat chargé de sa défense, sans la présence d'un des agents de la prison;
- Droit à la correspondance;
- Droit au travail en contrepartie d'un salaire;
- Droit à une promenade quotidienne d'une durée d'au moins une heure.
103. Le décret portant réglementation des prisons définit le régime disciplinaire à l'intérieur des prisons. La sanction disciplinaire est infligée en vertu d'une décision du conseil de discipline groupant un représentant des détenus et un assistant social. La sanction disciplinaire ne peut en aucun cas être un acte de torture ou un châtiment corporel. Peuvent être infligées des sanctions portant privation du droit à recevoir des cadeaux pendant une durée n'excédant pas 15 jours, privation du droit à la visite ou du droit à recevoir des fournitures de rédaction et des publications pour la même durée et la soumission au régime cellulaire pour une durée n'excédant pas 10 jours.
104. Il convient de rappeler que le législateur a créé des commissions régionales pour le contrôle des prisons, en vertu du décret du 13 mars 1957. Ces commissions sont chargées d'examiner toutes les questions se rapportant à la santé, à la nourriture, au régime de travail et de protection appliqué aux prisonniers.
105. Par ailleurs, le Président de la République a instauré une tradition de contrôle politique continu sur le traitement des détenus, qui vient renforcer le contrôle judiciaire et administratif. A ce titre, et bien que déjà évoqué dans des développements précédents, il y a lieu de rappeler que le chef de l'Etat a adressé le 17 avril 1992 une lettre au Président de la commission d'investigation créée à l'effet d'enquêter sur des allégations de violations de droits de l'homme, l'invitant à établir un rapport sur l'application et le suivi des recommandations émises à la suite de l'enquête menée (voir en annexe).
106. Une réforme importante de la justice des mineurs a eu lieu par le biais de la loi du 12 juillet 1993 portant amendement d'un nombre de dispositions du Code de procédure pénale. En effet, l'article 224 (modifié par la loi No 82-56 du 4 juin 1982) dispose que "les enfants âgés de plus de 13 ans révolus et de moins de 18 ans révolus auxquels est imputée une infraction ne sont pas déférés aux juridictions pénales de droit commun. Ils sont justiciables du juge des mineurs ou de la cour criminelle des mineurs" (alinéa modifié par la loi No 93-73 du 12 juillet 1993). Le juge des enfants est également compétent à l'égard des mineurs âgés de plus de 7 ans et n'ayant pas dépassé 13 ans révolus. Pour déterminer la minorité du délinquant, il y a lieu de se placer à la date des faits qui lui sont reprochés.
107. De même, l'article 225 ajoute : "Le juge des enfants et la cour criminelle des mineurs prononcent, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui semblent appropriées. Exceptionnellement, et lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant leur paraissent l'exiger, ils peuvent prononcer contre le mineur âgé de plus de 13 ans une sanction pénale. Dans ce cas, la peine s'exécute dans un établissement spécialisé et, à défaut, dans le pavillon réservé aux mineurs" (modifié par la loi No 93-73 du 12 juillet 1993).
108. Le mineur délinquant a droit à un traitement judiciaire particulier, eu égard à sa condition. En effet, l'article 234 nouveau dispose que "le juge des enfants effectue toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation. Il recueille, par une enquête sociale, des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sa fréquentation scolaire, sur les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé. Il ordonne, si nécessaire, un examen médical et un examen médico-psychologique du mineur. Il ordonne, le cas échéant, le placement du mineur dans un centre d'observation. Les spécialistes procèdent entre-temps à l'étude des aspects psychologiques, médicaux et sociologiques de la personnalité du mineur et présentent à cet effet un rapport au juge des mineurs dans un délai d'un mois, à partir de la date de placement du mineur dans le centre. Ce délai ne peut être prorogé qu'en cas de nécessité et pour un autre mois seulement. Toutefois, il peut dans l'intérêt du mineur n'ordonner aucune de ces mesures ou ne prescrire que l'une d'entre elles. Dans ce cas, il rend une décision motivée".
109. Quant à l'article 237 nouveau (modifié par la loi No 93-73 du 12 juillet 1993), il accorde à l'accusé mineur des droits exorbitants du droit commun, en énonçant :
110. La sanction privative de liberté est une mesure très exceptionnelle à laquelle on ne peut soumettre le mineur délinquant que si sa personnalité l'exige et qu'aucune autre mesure n'est jugée efficace à son égard. Ainsi, l'article 238 nouveau (modifié par la loi No 93-73 du 12 juillet 1993) du Code de procédure pénale énonce clairement que le mineur âgé de plus de 13 ans, accusé d'un délit ou d'un crime, "ne peut être placé dans une maison d'arrêt, par le juge des mineurs ou la chambre d'accusation, que si cette mesure paraît indispensable ou encore s'il est impossible de prendre toute autre disposition. Dans ce cas, le mineur est placé dans une institution spécialisée et, à défaut, dans le pavillon réservé aux mineurs, tout en le séparant la nuit des autres détenus autant que cela est possible".
111. D'autre part, le délinquant mineur bénéficie d'un traitement judiciaire particulier. En effet, l'article 239 du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi du 12 juillet 1993, souligne que le juge des mineurs statue après avoir entendu l'enfant, les parents, le tuteur ou le gardien, la victime, les témoins, le ministère public et la défense et ce, après consultation de deux conseillers spécialistes dans les affaires des mineurs qui communiquent leur avis par écrit. L'avis des conseillers ne lie pas le juge des mineurs. En outre, il peut statuer même si l'un ou les deux conseillers se trouvent empêchés d'assister à l'audience. Il peut, si l'intérêt du mineur l'exige, dispenser ce dernier de comparaître à l'audience, dans ce cas, le mineur est représenté par un avocat, par son père, sa mère, son tuteur ou la personne qui en a la garde.
112. L'article 240 nouveau du même Code ajoute :
Le juge peut, à tout moment, ordonner que le mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats.
113. La publication du compte rendu des débats et d'informations relatives à l'identité et à la personnalité des mineurs délinquants est interdite. Les infractions à ces dispositions sont punies d'une amende de 10 à 1 000 dinars. En cas de récidive, un emprisonnement de deux mois à deux ans peut être prononcé. Le jugement est rendu en audience publique. Il peut être publié, mais sans que le nom du mineur puisse être indiqué, même par une initiale, sous peine d'une amende de 10 à 100 dinars; en cas de récidive, un emprisonnement d'un mois à un an peut être prononcé.
114. Au niveau de l'exécution des mesures prises à l'égard de l'enfant, le législateur tunisien a introduit, par le biais de la loi du 12 juillet 1993, le régime de révision des sanctions qui constitue un prélude à l'institution du juge de l'application des peines. Ainsi, l'article 254 nouveau dispose que le juge des enfants peut, soit d'office, soit à la requête du ministère public, du mineur, de ses parents, de son tuteur ou de la personne qui en a la garde, soit sur le rapport du délégué à la liberté surveillée, statuer sur toutes difficultés d'exécution, sur tous incidents, sur toutes demandes de remise de garde et, d'une manière générale, modifier les mesures de protection, d'assistance, de surveillance, d'éducation ou de réforme ordonnées à l'égard du mineur par lui ou par la Cour criminelle des mineurs.
115. Le juge des mineurs doit suivre en collaboration avec les services concernés l'exécution de la décision prononcée contre le mineur, et ce en visitant ce dernier pour se rendre compte de son état et de l'efficacité de la mesure décidée. Le cas échéant, il peut ordonner des examens médicaux, psychologiques ou des enquêtes sociales. Il doit réexaminer le dossier du mineur une fois tous les six mois au maximum, afin de réviser sa décision, et ce, soit d'office, soit à la requête du ministère public, du mineur, de ses parents, de son représentant légal, de son gardien, ou de son avocat.
116. S'il est établi qu'un mineur âgé de 15 ans ou moins, par sa mauvaise conduite opiniâtre, son indiscipline constante ou son comportement dangereux, rend inopérantes les mesures de protection ou de surveillance déjà prises à son égard, le juge des enfants peut, par décision motivée, le placer jusqu'à un âge qui ne peut excéder 20 ans dans un établissement spécialisé.
117. Sont chargés du contrôle et des enquêtes les organes visés dans le commentaire de l'article 11, à savoir l'Inspection générale du Ministère de l'intérieur et la Direction des affaires pénales conjointement avec l'Inspection générale, toutes deux relevant du Ministère de la justice. Chaque fois qu'il y a vraisemblance ou motif de croire qu'un acte de torture a été commis, des investigations et enquêtes sont ordonnées.
118. Durant les premiers mois de l'année 1991, des allégations d'abus commis à l'égard de prévenus furent rapportées. Le Président de la République, aussitôt avisé, a ordonné une enquête et décidé la constitution d'une commission d'investigation sous la direction du Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
119. Dans le cadre de sa mission, la commission a effectué des visites à la prison de Borj Erroumi le 29 juillet 1991, à la prison du 9 avril, le 24 août 1991 et à la prison de Mornag le 28 août 1991. La commission a en outre reçu les plaintes des familles qui demeurent, un certain temps, dans l'ignorance du lieu de détention de leurs proches que les avocats ne peuvent rencontrer durant cette période, alors qu'il aurait fallu, selon la commission, permettre aux familles de se rassurer sur leurs proches, et aux avocats de suivre l'affaire dès le début de la détention.
120. Dans son rapport, la commission a établi que des abus ont été effectivement commis et qu'ils sont le fait de comportements individuels n'ayant pas tenu compte de la politique de l'Etat ni des orientations du Président de la République. Elle a indiqué dans ce cadre qu'elle a été informée des investigations et enquêtes judiciaires menées à propos de ces abus, ainsi que des mesures disciplinaires prises à l'encontre de leurs auteurs.
121. La commission d'investigation a estimé que la République tunisienne se doit de préserver sa position honorable en matière de droits de l'homme et de traiter par les voies légales toutes les manifestations de violence aussi graves soient-elles. A cette fin, elle a avancé notamment les propositions et recommandations suivantes :
- Assurer tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur, la plus large publicité possible à la politique de l'Etat et des réalisations appréciables en matière de droits de l'homme, tout en affirmant que les auteurs de tous les abus seront sanctionnés après investigation approfondie.
- Vulgariser les dispositions des chartes et lois relatives aux droits de l'homme, en attirant l'attention sur les conséquences de toute violation de ces textes, et en exposant en détail, les cas, les sanctions prévues par les chartes internationales et la législation tunisienne.
- Vulgariser davantage les principes et les préceptes des droits de l'homme, par le biais des structures de l'éducation, de l'enseignement, de la culture et de l'information, à tous les niveaux.
- Renforcer la coopération avec les instances concernées par les droits de l'homme, recommander à ces dernières de coordonner leurs efforts et affirmer la nécessité de soustraire aux considérations d'ordre politique l'action en faveur des droits de l'homme.
- Etudier et développer la législation dans le sens de la consolidation et de la sauvegarde des droits de l'homme.
122. Le Président de la République a ordonné le 19 octobre 1991 la publication des conclusions et recommandations de la commission d'investigation. Cette publication saluée par de nombreuses instances tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger, a suscité la considération des organisations concernées par les droits de l'homme. Le Président de la République a chargé toutes les instances concernées de suivre l'exécution des recommandations.
123. Il convient de préciser que le rapport n'a pas été intégralement publié puisque la loi interdit la divulgation des noms des présumés coupables, en dehors d'une décision judiciaire (art. 5 du Code pénal). Ses conclusions et recommandations ont été cependant diffusées.
124. Comme précisé antérieurement, le Président de la République a de nouveau chargé le Président de la commission d'investigation d'établir un rapport sur l'application des recommandations de la commission (voir en annexe la lettre du Président de la République du 17 avril 1992).
125. Le 17 avril 1992, un conseil ministériel restreint, présidé par le Président de la République, a été consacré au suivi du rapport de la commission d'investigation. Ce conseil auquel assistait le Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales en sa qualité de Président de la commission, a passé en revue les poursuites judiciaires et les mesures disciplinaires ainsi que l'état des victimes et l'aide sociale à leur apporter dans l'attente du verdict de la cour. Le conseil a examiné également les mesures préventives pour éviter d'éventuels abus ainsi que les mesures concernant la vulgarisation de la culture des droits de l'homme à l'intention des fonctionnaires chargés de l'exécution des lois.
126. Le 13 juillet 1992, le Président de la commission d'investigation a présenté au chef de l'Etat un rapport sur le degré d'application des recommandations de la commission. Le Président de la République a ordonné la publication in extenso du document. Ce qui a été fait le 21 juillet 1992. La presse nationale et internationale a réservé de larges commentaires à cet événement en soulignant qu'il s'inscrit dans le cadre de la politique de transparence prônée par le pouvoir en Tunisie.
127. Le droit de porter plainte devant les autorités compétentes est garanti en droit tunisien par des procédures ordinaires et d'autres exceptionnelles.
a) Les procédures ordinaires
128. Les autorités judiciaires chargées de recevoir les plaintes d'une façon générale sont : le Procureur de la République et ses auxiliaires, à savoir les substituts du Procureur de la République, le juge cantonal, les commissaires et officiers de police et chefs de poste de police et les officiers, sous-officiers et chefs de poste de la garde nationale en leur qualité d'officiers de police judiciaire.
129. Les auxiliaires du Procureur de la République informent immédiatement ce dernier de toute infraction dont ils acquièrent la connaissance dans l'exercice de leurs fonctions et lui transmettent tous renseignements et procès-verbaux qui s'y rapportent. Au cas où un plaignant risque un danger quelconque du fait de sa plainte, ils prennent toutes les dispositions nécessaires à sa protection.
b) Les procédures exceptionnelles
130. Le droit tunisien offre à la victime d'actes pénalement répréhensibles davantage de garanties. En effet, en cas d'inertie du parquet ou de ses auxiliaires, la victime d'actes de torture peut se constituer directement partie civile auprès du juge d'instruction ou du tribunal compétent. L'article 36 du Code de procédure pénale dispose à cet égard que "Le classement de l'affaire par le Procureur de la République ne fait pas obstacle au droit qu'a la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique sous sa propre responsabilité. Dans ce cas, elle peut, en se constituant partie civile, soit demander l'ouverture d'une information, soit citer directement le prévenu devant le tribunal".
131. L'article 37 du même code précise que "L'action civile poursuivie en même temps que l'action publique conformément à l'article 7 du présent code, peut être exercée, soit devant le juge d'instruction en cours d'information, soit devant la juridiction saisie de l'affaire".
132. Quant à la procédure proprement dite de la constitution de partie civile, l'article 38 énonce que "La juridiction saisie ou le juge d'instruction apprécie la recevabilité de la constitution de partie civile, et s'il échet, déclare cette constitution irrecevable. L'irrecevabilité peut être soulevée par le ministère public, le prévenu, le responsable civil ou une autre partie civile ... Le juge d'instruction statue par ordonnance après communication du dossier au ministère public, cette ordonnance est susceptible d'appel devant la chambre d'accusation dans les quatre jours de sa communication pour le Procureur de la République et de sa notification pour les autres parties".
133. Il est facile d'accéder à la procédure de constitution de partie civile puisque l'article 39 du Code de procédure pénale dispose que "La constitution de partie civile est faite au moyen d'une requête écrite signée par le plaignant ou son représentant et présentée suivant les cas au Procureur de la République, au juge d'instruction ou à la juridiction saisie...".
134. Toutefois, le droit tunisien fait découler une double responsabilité civile et pénale du fait de la constitution injustifiée de partie civile. L'article 45 du Code de procédure pénale énonce à ce titre que lorsqu'une décision de non-lieu a été rendue à la suite d'une information ouverte sur constitution de partie civile, l'inculpé peut demander réparation du dommage occasionné par l'existence de l'action publique, sans préjudice des poursuites pénales du chef de dénonciation calomnieuse, s'il y a lieu.
135. L'article 46 du même code ajoute qu'en cas de relaxe, le tribunal peut prononcer une amende de 50 dinars contre la partie civile qui a cité directement le prévenu, sans préjudice des poursuites pénales du chef de dénonciation calomnieuse, s'il y a lieu.
136. Quant à la protection du plaignant et des témoins contre tout acte de torture, d'intimidation ou de mauvais traitement, elle est assurée aussi bien pendant la procédure qu'après sa clôture. En effet, les agents publics qui commettent ces actes sont passibles des sanctions civiles et pénales.
137. Le Code de procédure pénale a, dans son article premier, proclamé le principe selon lequel toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l'application des peines et, si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage. La partie lésée par un acte de torture peut mettre en mouvement l'action publique sous sa propre responsabilité; mais elle peut aussi intenter une action civile en même temps que l'action publique ou indépendamment devant une juridiction civile. L'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction (art. 7 du Code de procédure pénale).
138. A signaler qu'au cas où la victime est dans un état d'indigence, elle peut bénéficier de l'assistance judiciaire. L'assistance couvre tous les frais de procédure, y compris les honoraires d'un avocat.
139. Par ailleurs, le statut des forces de sécurité intérieure (loi No 82-70 du 6 août 1982) dispose dans son article 49 que "dans le cas où un agent des forces de sécurité intérieure serait poursuivi par un tiers pour faute de service, l'administration doit couvrir l'agent des condamnations civiles prononcées contre lui". Ce qui garantit à la victime une réparation certaine.
140. Le législateur tunisien considère que l'aveu extorqué d'une personne contrairement à sa volonté ne peut être retenu comme preuve contre elle. L'article 432 du Code des obligations et des contrats affirme que l'aveu doit être libre et éclairé; les causes qui vicient le consentement vicient l'aveu. L'article 51 du même code considère que les violences de nature à produire chez celui qui en est l'objet, soit une souffrance physique, soit un trouble moral profond, soit la crainte d'exposer sa personne, son honneur ou ses biens à un préjudice notable, constituent des vices du consentement. De ce fait, les déclarations obtenues d'une personne en faisant usage sur elle de violence ou de torture ne peuvent servir de preuve contre cette personne.
141. Il y a lieu de rappeler aussi les dispositions de l'article 13 bis nouveau du Code de procédure pénale, qui obligent les officiers de police judiciaire à soumettre la personne qu'ils détiennent à l'examen médical sur sa demande ou celle de l'un de ses proches et de porter mention de cette demande au procès-verbal. Le but de cette mention est de prévoir un moyen permettant de contrôler si la personne gardée à vue a été l'objet de violence ou de torture.
142. Au cas où l'examen médical révèle des traces de violence ou de torture, le procès-verbal d'audition sera nul et tout ce qui aura été consigné ne pourra être utilisé contre la personne victime de violences, car contraire aux règles générales de procédure, spécialement à l'article 155 du Code. Cet article souligne que : "le procès-verbal n'a force probante qu'autant qu'il est régulier en la forme et que son auteur agissant dans l'exercice de ses fonctions, rapporte sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu ou entendu personnellement".
143. Par ailleurs, les règles en matière de preuve veulent que l'aveu comme tout autre élément de preuve soit laissé à la libre appréciation du juge qui décide d'après son intime conviction (art. 150 et 152 du Code). Par conséquent le juge qui sera convaincu que les aveux de l'inculpé ont été extorqués sous la violence ou la torture se gardera de le condamner sur la base de ces aveux.
144. En résumé, le fait d'établir judiciairement l'existence d'actes de torture vicie toute la procédure à l'égard de l'accusé victime de la torture. Sans égard aux nouvelles poursuites qui seront engagées contre le ou les agents auteurs des actes de torture, une nouvelle enquête sera dirigée par d'autres agents contre l'accusé, en remplacement de l'enquête viciée.
145. Il y a lieu de rappeler que les dispositions de l'article 103 du Code pénal exposées dans le commentaire de l'article 4 de la Convention sont d'ordre général, pouvant englober la notion de torture dans sa signification la plus étendue. En effet, l'article 103 énonce : "Est puni de l'emprisonnement pendant cinq ans et d'une amende, le fonctionnaire public qui porte une atteinte illégitime à la liberté individuelle d'autrui ou qui exerce ou fait exercer des violences ou des mauvais traitements contre un accusé, un témoin, un expert, pour en obtenir des aveux ou des déclarations. S'il y a eu seulement menaces de violences ou de mauvais traitements, le maximum de la peine d'emprisonnement est réduit à six mois".
146. Le Code pénal tunisien a prévu des peines aussi sévères pour toutes menaces de violences ou de mauvais traitements. L'article 222 de ce code punit d'une peine de six mois à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende "toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, menace autrui d'un attentat qui serait punissable de peines criminelles. Cette peine est portée au double si les menaces sont faites avec ordre ou sous conditions quand bien même elles seraient verbales".
147. De même l'article 223 du même code dispose que "celui qui menace autrui à l'aide d'une arme, même sans avoir l'intention d'en faire usage, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende".
148. La notion de torture est retenue en droit tunisien dans sa portée la plus large qu'elle soit physique ou morale, exercée sur la personne même de la victime ou sur la personne de l'un de ses proches. Ainsi, à titre d'exemple, l'enlèvement ou le détournement est puni d'une peine d'emprisonnement de 10 ans. Mais si l'enlèvement ou le détournement a été effectué à main armée ou à l'aide d'un faux uniforme ou sous une fausse identité ou sur un faux ordre de l'autorité publique, la peine est portée à l'emprisonnement à vie. Ces infractions comporteront la peine de mort si elles ont été accompagnées ou suivies de mort (art. 237 du Code pénal).
COMPLEMENT D'INFORMATION DEMANDE PAR LE COMITE A L'ISSUE DE L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA TUNISIE
149. Lors de l'examen, en 1990, du rapport initial de la Tunisie, les membres du Comité ont adressé leurs recommandations au Gouvernement tunisien, sollicitant à cette occasion des précisions sur différents points évoqués dans le rapport. On trouvera ci-après des informations complémentaires telles que demandées par les membres du Comité.
Précisions demandées au sujet du Pacte national, de la Ligue tunisienne des droits de l'homme et du principe de double degré de juridiction adopté en Tunisie
Le Pacte national
150. Dans le souci de rationaliser les rapports politiques entre les différentes sensibilités politiques, sociales et intellectuelles en Tunisie et dans le but de promouvoir la concorde nationale entre tous les Tunisiens, un Pacte national a été établi, discuté et ratifié le 7 novembre 1988, soit une année après le changement. C'est en quelque sorte un code d'honneur, un contrat moral et civilisationnel, réunissant les valeurs communes et les grands principes et idéaux susceptibles de rassembler les Tunisiens et bannissant tout ce qui est de nature à les diviser. Le Pacte national n'a pas de valeur juridique, mais c'est plutôt un code d'éthique politique, sociale et civilisationnelle.
La Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH)
151. Elle a obtenu un visa le 7 mai 1977, date de sa création. C'est là un événement important qui a consacré la reconnaissance juridique de la première association indépendante spécialisée en matière de droits de l'homme en Afrique et dans le monde arabe. Conformément à ses statuts, la Ligue vise à "défendre et à préserver les libertés fondamentales prévues par la Constitution tunisienne, les lois du pays et la Déclaration universelle des droits de l'homme".
152. La LTDH se propose d'accomplir diverses tâches en vue de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Elle organise des séminaires, exprime sa position sur l'état des droits et libertés, intervient auprès des autorités concernées afin de trouver des solutions aux plaintes qui lui parviennent. La Ligue a été en outre autorisée à visiter les prisons; à l'issue de visites effectuées, certains de ses membres ont eu à faire part de leur satisfaction quant à la situation prévalant dans ces institutions.
153. L'adhésion à la Ligue est limitée, comme le stipulent ses statuts, aux personnes dont le comité directeur accepte les candidatures. La loi sur les associations No 59-154 du 7 novembre 1959 modifiée une première fois le 2 août 1988, a connu un nouvel amendement le 2 avril 1992, consacrant le principe de non-discrimination pour l'adhésion à la Ligue puisqu'en vertu de cet amendement les personnes remplissant les conditions d'adhésion à une association à caractère public et empêchées d'y adhérer, peuvent intenter une action en justice devant le tribunal en première instance.
154. En application de cette réforme, le Ministre de l'intérieur a émis, le 14 mai 1992, un arrêté classant la Ligue dans la catégorie des associations à caractère général. La LTDH, qui s'est refusée de se soumettre à cet arrêté, s'est dissoute de plein droit en juin 1992, suite à l'extinction des délais prévus par la loi telle qu'amendée. Cependant, à la suite d'une requête, le Tribunal administratif a rendu le 26 mars 1993 un jugement en référé décidant le sursis à l'exécution de l'arrêté du Ministre de l'intérieur, permettant ainsi à la Ligue de reprendre ses activités, jusqu'au prononcé d'une décision quant au fond.
Principe du double degré de juridiction
155. Ce principe, sur lequel repose l'organisation de la justice tunisienne, a été adopté aux fins de renforcer les garanties offertes au justiciable. Ce dernier peut en effet intenter une action devant une juridiction de premier degré tout en ayant le droit dans une phase ultérieure de porter son action devant une juridiction du second degré, à savoir la cour d'appel pour les jugements rendus par le Tribunal de première instance, et le Tribunal de première instance pour les jugements rendus par les juridictions cantonales.
156. Il est à signaler que le principe du double degré de juridiction est appliqué au niveau des juridictions de jugement pour toutes les affaires correctionnelles. Pour ce qui est des affaires criminelles, le principe du double degré de juridiction est appliqué au niveau des juridictions d'instruction, à savoir le magistrat instructeur (premier degré) et la Chambre d'accusation (deuxième degré). Le pourvoi en cassation reste possible dans tous les cas.
Question se rapportant à la classification des normes juridiques d'après laquelle les conventions ratifiées par la Tunisie ont une position intermédiaire entre la Constitution et les lois ordinaires
157. L'article 32 de la Constitution souligne que les traités n'ont force de loi qu'après leur ratification. Les traités légalement ratifiés ont force de loi plus que la loi elle-même. Il s'ensuit qu'un principe essentiel de la Constitution tunisienne est consacré, à savoir la supériorité des traités sur la législation interne. Il résulte de ce principe qu'en cas de contradiction entre un traité et la législation interne, c'est le traité qui a force de loi.
158. Le système tunisien se distingue également par l'applicabilité directe des traités au sein de la législation interne, de sorte que sont appliquées, par les magistrats et les administrations chargées de leur application, les dispositions du traité lui-même, sans avoir besoin de les reproduire dans un texte de loi, comme c'est le cas dans la plupart des pays du monde.
159. Le justiciable a la possibilité en Tunisie de se prévaloir des dispositions internationales devant les organismes nationaux, y compris les organismes juridictionnels. Il a cette possibilité du fait que la Constitution consacre la supériorité des traités internationaux sur la législation interne et du fait de l'applicabilité directe de ces traités au sein de la législation interne.
Pratique en matière d'application de la Convention par les tribunaux tunisiens
160. Cette pratique est limitée. Les avocats préfèrent se fonder sur les dispositions du droit interne et les tribunaux soulèvent rarement d'office les conventions internationales. Eventuellement, en cas de conflit entre les dispositions d'une convention et les normes juridiques internes, ce sont les dispositions de l'instrument international qui prédominent puisqu'ayant une valeur infraconstitutionnelle mais supralégale.
Publication de la Convention dans le Journal officiel
161. La publication de la Convention est une formalité nécessaire pour la rendre opposable aux tiers. Cependant, la publication de la loi de ratification suffit pour l'invoquer devant la juridiction. Le Journal officiel parvient obligatoirement au siège de toutes les juridictions et administrations publiques. Son contenu est par conséquent porté à la connaissance des praticiens du droit. Les avocats sont généralement abonnés au Journal officiel qui constitue un instrument de travail fondamental pour l'exercice de leur profession. S'agissant des citoyens, il est vrai que ceux-ci n'accèdent au Journal officiel de la République tunisienne qu'occasionnellement.
162. Un effort supplémentaire de vulgarisation et de propagation du contenu de la Convention contre la torture, au même titre que les autres conventions internationales, est néanmoins nécessaire.
Précisions demandées au sujet de la peine capitale
163. Il convient tout d'abord de souligner que l'article 5 de la Constitution consacre le principe de l'inviolabilité de la personne humaine. A cet effet, le droit à la vie est protégé en droit tunisien, par des sanctions pénales, contre tous ceux qui attentent à la vie d'autrui.
164. Ces sanctions peuvent aller jusqu'à la peine capitale et sont prévues par le Code pénal dans les cas suivants :
a) En cas d'homicide intentionnel lorsqu'il s'agit notamment :
- de meurtre intentionnel avec préméditation (art. 201 du Code pénal),
- de meurtre précédé ou suivi d'une autre infraction (art. 204),
- de parricide (art. 205), défini comme étant le meurtre commis par le descendant sur la personne du père, de la mère ou de tout autre ascendant,
- d'enlèvement, détournement, détention ou séquestration (art. 237 et 251 nouveaux).
- en cas d'usage ou de menace d'usage d'arme à l'encontre d'un magistrat au cours d'audience; en cas de crime de viol commis avec violence, usage ou menace de recours à l'arme et en cas de crime de viol commis même sans usage de tels moyens, sur une enfant âgée de moins de 10 ans accomplis;
- en cas de trahison et d'espionnage, tels que définis dans les articles 60 et 60 bis du Code pénal;
- en cas d'attentats extrêmement graves contre la sûreté intérieure de l'Etat. Ces cas sont traités par les articles 63, 72, 74 et 76 du Code pénal;
- en cas de crimes extrêmement graves commis par les militaires, notamment en temps de guerre et prévus par le Code de justice militaire (en cas de trahison, d'espionnage, de violation de devoirs fondamentaux du commandement ...).
165. Conscient de la gravité de la peine de mort, le législateur l'a assortie de certaines conditions. Ainsi :
- L'article 80 du Code pénal exempte des peines encourues par les auteurs d'attentats contre la sûreté de l'Etat, ceux des coupables qui, avant toute exécution et avant toutes poursuites commencées ont, les premiers, donné aux autorités administratives ou judiciaires connaissance des complots ou attentats ou dénoncé leurs auteurs ou complices ou, depuis le commencement des poursuites, procuré leur arrestation.
- L'article 53 du Code pénal permet au Tribunal, lorsque les circonstances du fait poursuivi le justifient, d'atténuer la peine.
166. Le nombre des verdicts décidant la peine de mort a été considérablement réduit par les dispositions du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi du 27 février 1989 qui souligne : "les jugements sont rendus à la majorité des voix. Toutefois, les condamnations à la peine de mort ou l'emprisonnement à vie sont prononcées par 4 voix au moins". Ainsi est exigée une majorité spéciale des voix (des 5 magistrats de la Chambre criminelle) en cas de prononcé d'un jugement décidant la peine de mort. Le Président de la République peut toujours exercer son droit de grâce et commuer la peine capitale en une peine d'emprisonnement à vie (art. 371 du Code de procédure pénale).
167. D'ailleurs, il convient de préciser à cet égard que, depuis le changement et dans le cadre du respect voué à l'être humain, l'exécution des condamnations à la peine capitale n'a été appliquée en Tunisie qu'en de très rares circonstances et pour des crimes à caractère crapuleux ayant particulièrement choqué l'opinion publique. La dernière exécution en Tunisie remonte à 1992.
Questions se rapportant à la condamnation à des châtiments corporels
168. Depuis la promulgation du Code pénal en 1913, la Tunisie a aboli la pratique des châtiments corporels auxquels on a substitué les travaux forcés, les peines privatives de liberté et les sanctions pécuniaires. Par la loi du 27 février 1989, la peine des travaux forcés a été également abolie du système juridique tunisien et remplacée par des peines d'emprisonnement.
Question relative à l'application, en droit tunisien, du paragraphe 2 de l'article 5 de la Convention contre la torture
169. Les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants bénéficient d'une primauté par rapport aux législations internes, suite à l'adhésion de la Tunisie à cette Convention. En effet, l'article 32 de la Constitution dispose que "Les traités dûment ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois". Ainsi, les dispositions du paragraphe 2 de l'article 5 de la Convention susmentionnée sont d'application directe dans la législation tunisienne et, en cas de contradiction avec celle-ci, ce sont les dispositions de la Convention qui prévalent.
Précisions demandées au sujet de la définition de la torture par le droit tunisien
170. La définition de la torture telle que figurant à l'article 101 du Code pénal est des plus larges. En effet, l'article a utilisé le terme de "violence" envers les personnes. La notion de violence s'entend de toute agression physique ou morale, directe ou indirecte, occasionnant des traces ou non. Ainsi, la définition donnée par le droit tunisien est conforme à celle de la Convention.
171. L'intégrité physique et morale de l'inculpé est protégée par le législateur qui a fourni pour la personne gardée à vue ou l'un de ses ascendants, descendants, frères, soeurs ou conjoint, la possibilité de demander un examen médical. Cette demande doit être mentionnée au procès-verbal (art. 13 bis du Code pénal).
Question relative à l'enseignement des droits de l'homme aux agents chargés de l'application des lois ainsi qu'au sein des établissements universitaires
172. Le fait que chaque individu soit informé de ses droits aide à faire respecter effectivement les droits d'autrui, à en généraliser le respect en toute connaissance de cause et à amener chacun à assumer pleinement ses devoirs.
173. De même, en ayant une prise de conscience de ses droits, l'individu est amené à s'abstenir de commettre une quelconque violation des lois et des droits d'autrui. C'est ainsi que les programmes de formation dans les établissements spécialisés, notamment l'Institut supérieur de la magistrature, les écoles des agents de la sûreté intérieure et les académies militaires, les établissements d'enseignement supérieur, notamment en droit et en médecine, assurent des cours se rapportant aux droits de l'homme comprenant notamment l'enseignement relatif à la question de la torture et de mauvais traitements. En effet, une chaire des droits de l'homme a été créée dans les universités tunisiennes, suite à la recommandation exprimée le 10 décembre 1991 par le Président de la République.
174. S'agissant des programmes de formation en matière des droits de l'homme dispensés aux agents chargés de l'application et de l'exécution des lois, il y a lieu de se référer aux informations fournies à ce sujet dans le cadre de la première partie du rapport.
Question relative à l'existence des services de médecine légale dans les hôpitaux
175. Les médecins légistes qui sont généralement des experts judiciaires assermentés jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, de toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance et, de ce fait, aident les victimes de torture à défendre leurs droits de poursuivre les auteurs et de demander indemnisation en certifiant, le cas échéant, l'existence de traces de violence ou de torture et en évaluant les incapacités permanentes ou provisoires qui en découleraient.
176. Ces médecins exercent dans divers établissements hospitaliers à travers le pays et dans les spécialités médicales pratiquées. Aux fins de parfaire la formation des médecins en général et ceux qui seraient appelés à faire de l'expertise judiciaire en particulier, un cours de médecine légale est dispensé aux étudiants en médecine dans les universités tunisiennes. Pour plus de détails concernant les garanties offertes au justiciable pendant la période de la garde à vue, il y a lieu de se référer aux développements contenus dans la première partie de ce rapport.
Question relative à la détention au secret
177. La législation tunisienne interdit catégoriquement la détention au secret. Toute détention, qui est différente de la garde à vue, opérée selon les prescriptions pertinentes du Code de procédure pénale, est autorisée par le Procureur de la République et, par conséquent, doit être enregistrée avec toutes les précisions qu'exige la procédure légale. L'article 3 du décret No 88-1876 du 4 novembre 1988, relatif au règlement des prisons, énonce que "nul ne peut être admis en prison qu'en exécution d'un jugement ou qu'en vertu d'un mandat d'amener ou d'un mandat de dépôt ou d'un ordre de contrainte par corps".
178. L'article 237 du Code pénal énonce : "Est puni de dix ans de prison celui qui aura, par fraude, violence ou menace, enlevé ou fait enlever un individu ou l'aura fait entraîner, détourner, déplacer ou l'aura fait entraîner ou fait détourner ou déplacer des lieux où il était... La peine est portée à l'emprisonnement à vie si l'enlèvement ou le détournement a été effectué à main armée ou à l'aide d'un faux uniforme ou sous une fausse identité ou sur un faux ordre de l'autorité publique ou s'il en est résulté une incapacité corporelle ou une maladie".
179. Dans ce même code, l'article 238 énonce que "Quiconque, sans fraude, violence ni menace, détourne ou déplace un individu des lieux où il a été mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels il est soumis ou confié, est puni de deux ans d'emprisonnement. Cette peine est portée à trois ans d'emprisonnement si la personne enlevée est âgée de moins de 15 ans accomplis. La tentative est punissable".
180. L'article 250 du même Code prévoit la répression de la détention au secret. Cet article énonce en effet que celui "qui sans ordre de la loi aura arrêté, détenu ou séquestré une personne est puni de dix ans de prison". Cette même peine sera portée à l'emprisonnement à vie si "l'arrestation, la détention ou la séquestration a duré plus d'un mois ou s'il en est résulté une incapacité corporelle, une maladie" ou si l'opération vise à porter atteinte à l'intégrité physique de la victime.
Précisions demandées au sujet de fonctionnaires de la sûreté ou de la garde nationale ayant fait l'objet d'enquêtes, de poursuites ou de condamnation
181. Durant la période marquée par la découverte du complot intégriste visant à renverser le régime par la violence et la multiplication des actes de violence du mouvement extrémiste illégal, dit "Ennahdha", des allégations faisant état de prétendus abus commis par des agents de l'ordre à l'encontre de quelques détenus ont été portées à la connaissance du Président de la République qui a aussitôt pris l'initiative de réunir des personnalités nationales oeuvrant dans le domaine des droits de l'homme, dont notamment le Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme et le Président de l'Institut arabe des droits de l'homme.
182. Le 20 juin 1991, le Président de la République a décidé de constituer une commission d'enquête indépendante en vue de vérifier des allégations de mauvais traitement. Le 19 octobre 1991 les conclusions et les recommandations de cette commission ont été publiées. Le rapport relève que certains abus ont été effectivement commis. Des mesures ont été décidées en vue de traiter ces situations d'abus conformément au droit en vigueur.
183. Au cours des dernières années, plus de 100 agents de maintien de l'ordre ont été traduits devant les juridictions correctionnelles et criminelles pour avoir commis des infractions constituant un abus de pouvoir. Des jugements ont été rendus prononçant des peines variant entre l'amende et l'emprisonnement.
184. En outre, des mesures disciplinaires ont été également prises à l'encontre de plusieurs agents de l'ordre public ayant outrepassé leurs prérogatives et commis des abus de pouvoir ou des erreurs professionnelles. Le Ministère de l'intérieur a traduit devant le conseil d'honneur plusieurs agents, dont plus d'une vingtaine ont été révoqués pour avoir commis des actes de violence et abus d'autorité.
Informations demandées au sujet de la réadaptation physique des victimes de la torture, des possibilités pour ces dernières d'obtenir réparation et assistance judiciaire
185. Si certains dépassements individuels isolés ont été relevés et sanctionnés, ils ne constituent pas pour autant une pratique qui nécessite de prévoir un programme de réadaptation physique pour les victimes de la torture comme c'est le cas dans d'autres pays.
186. Pour ce qui est des possibilités de réparation, le Code de procédure pénale a, dans son article premier, proclamé le principe selon lequel toute infraction donne ouverture à une action publique ayant pour but l'application des peines et, si un dommage a été causé, à une action civile en réparation de ce dommage. La partie lésée par un acte de torture peut mettre en mouvement l'action publique sous sa propre responsabilité; mais il peut aussi intenter une action civile soit en même temps que l'action publique ou indépendamment devant une juridiction civile. L'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction (art. 7 du Code de procédure pénale).
187. Par ailleurs, le statut des forces de sécurité intérieure (loi No 82-70 du 6 août 1982) dispose dans son article 49 que "dans le cas où un agent des forces de sécurité intérieure serait poursuivi par un tiers pour faute de service, l'administration doit couvrir l'agent des condamnations civiles prononcées contre lui". Ce qui garantit à la victime une réparation certaine.
188. Concernant l'assistance judiciaire, il est à signaler qu'une commission spécialisée statue sur les demandes y afférentes. Sa présidence est confiée au Procureur de la République auprès de chaque tribunal de première instance, assisté par un représentant de l'ordre des avocats et un fonctionnaire de l'administration financière. Cette commission accorde, le cas échéant, une priorité aux victimes de la torture et peut les faire bénéficier d'une assistance qui couvre tous les frais de procédure, y compris les honoraires d'avocat.
Question se rapportant à l'application des dispositions de l'article 15 de la Convention, en droit tunisien
189. Etant supérieures aux dispositions du droit interne, les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en l'occurrence l'article 15, peuvent être appliquées avec les dispositions du droit interne.
190. S'agissant des précisions sollicitées par les membres du Comité concernant les points suivants : conditions d'arrestation et de détention; examen médical demandé par les personnes placées en garde à vue; conditions de détention des femmes ayant des enfants en bas âge; isolement disciplinaire; abus d'autorité commis par des agents publics, il y a lieu de se référer aux différents développements contenus dans la première partie de ce rapport.
1. Arrêté du 14 janvier 1992 et circulaire No 504 du 15 juin 1991 relatifs à l'intégration de la matière "droits de l'homme" dans les programmes de formation des agents des forces de sécurité intérieure.
2. Circulaire No 895 du 16 décembre 1991 relative à l'affichage du texte du serment que les agents des forces de sécurité intérieure doivent prêter lors de leur prise de fonction
3. Circulaires No 904 du 24 décembre 1991 et No 46 du 19 février 1992 relatives à la diffusion de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.
4. Circulaires No 6 du 3 janvier 1992 et No 53 du 12 février 1992 relatives aux relations des agents des forces de sécurité intérieure avec les citoyens.
5. Circulaire No 72 du 24 février 1992 relative à la signature de l'engagement imposant le respect des droits de l'homme et des libertés publiques.
6. Texte de la lettre du 17 avril 1992 adressée par le Président de la République au Président de la Commission d'investigation créée le 20 juin 1991.