Comité contre la Torture, Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 19 de la Convention, Jamahiriya arabe libyenne, U.N. Doc. CAT/C/25/Add.3 (1994).
Deuxièmes rapports périodiques des Etats parties
devant être soumis en 1994
Additif
JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE
/ Le rapport initial et les rapports complémentaires présentés par le Gouvernement
de la Jamahiriya arabe libyenne sont reproduits dans les documents CAT/C/9/Add.7
et Add.12/Rev.1, respectivement. Pour leur examen par le Comité, se reporter
aux documents CAT/C/SR.93, 130, 135 et 135/Add.2 ainsi qu'aux Documents officiels
de l'Assemblée générale, quarante-septième et quarante-huitième sessions (A/47/44,
par. 148 à 159 et A/48/44, par. 181 à 207).
[30 juin 1994]
TABLE DES MATIERES
Paragraphe
Introduction | 1 - 4 |
|
![]() |
I. Cadre juridique de l'application des dispositions de la Convention conformément à la législation libyenne en vigueur | 5 - 24 |
![]() |
A. Statut des traités internationaux au regard de la législation interne | 6 - 12 |
![]() |
B. Structure de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants | 13 - 24 |
![]() |
II. Etude comparative des dispositions de la Convention et de celles de la législation libyenne | 25 - 79 |
![]() |
Conclusion | 80 - 86 |
Introduction
1. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants met la Jamahiriya, comme les autres Etats parties, dans l'obligation
de présenter un rapport périodique sur les mesures prises pour donner effet
à ses dispositions. Ce faisant, les Etats parties aident le Comité non seulement
à vérifier si leur législation nationale est conforme aux dispositions de la
Convention, mais aussi à corriger toute défaillance ou irrégularité qui pourrait
être constatée à cet égard.
2. La Jamahiriya a annoncé son adhésion à la Convention le 25 avril 1989 et
a présenté, le 12 avril 1991, un rapport concernant les mesures qu'elle avait
prises au niveau national pour en appliquer les dispositions. Elle a par la
suite présenté un rapport verbal le 14 novembre 1991.
3. Des renseignements précis concernant ces mesures concrètes ont été ensuite
incorporés dans un rapport écrit additionnel de 40 pages auquel étaient annexés
les textes législatifs nationaux pertinents. Ayant examiné ce rapport, votre
éminent Comité :
a) A remercié la Jamahiriya de présenter le rapport additionnel sur les mesures
qu'elle avait prises;
b) A remercié le chef et les membres de la délégation de la Jamahiriya pour
les efforts qu'ils avaient faits pour répondre à plus de 70 questions concernant
les systèmes politique et judiciaire libyens, l'organisation des tribunaux,
les procédures d'enquête, d'arrestation et de perquisition, les mesures préventives,
l'extradition, le statut des traités internationaux au regard de la législation
nationale et le mécanisme de ratification de ces instruments, notamment;
c) A été d'avis que, dans l'ensemble, le système judiciaire libyen n'était pas
en contradiction avec les dispositions de la Convention contre la torture, et
qu'il constituait un cadre pertinent pour l'application de cet instrument.
4. En conclusion, le Comité a déclaré que le prochain rapport périodique de
la Jamahiriya devrait renfermer une comparaison, texte par texte, des différentes
dispositions de la Convention par rapport à celles de la législation libyenne.
A notre sens, le dernier rapport contenait une étude comparative suffisante
des dispositions législatives libyennes et de celles de la Convention contre
la torture. Néanmoins, nous nous efforcerons dans le présent document de répondre
à la demande de votre éminent Comité dans le cadre suivant : statut des traités
internationaux au regard de la législation nationale ou interne et effets de
ce statut; structure de la Convention contre la torture, divisée en dispositions
qui investissent l'Etat partie d'un certain nombre d'obligations concrètes particulières,
et en dispositions générales de procédure; examen comparatif des dispositions
de la Convention et des dispositions correspondantes de la législation libyenne.
I. CADRE JURIDIQUE DE L'APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION CONFORMEMENT
A LA LEGISLATION LIBYENNE EN VIGUEUR
5. Cette question est régie par le statut des traités internationaux au regard
de la législation nationale de la Jamahiriya ainsi que par l'existence de textes
législatifs nationaux qui sont conformes aux dispositions de la Convention contre
la torture.
A. Statut des traités internationaux au regard de la législation interne
6. Chaque traité international que conclut la Jamahiriya, à laquelle elle adhère
ou qui est ratifié par les congrès du peuple, et qui est publié au Journal officiel,
prend force exécutoire et doit être mis en application au même titre qu'une
législation interne, qui est opposable au pouvoir judiciaire national dès sa
publication au Journal officiel.
7. Conformément à ce principe, les dispositions de la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont opposables
au pouvoir judiciaire national et toute partie concernée est habilitée à invoquer
cet instrument et à demander aux tribunaux libyens d'en appliquer les dispositions.
Les tribunaux sont dans l'obligation de donner suite à une telle demande pour
autant que celle-ci soit motivée par un texte juridique et que les intérêts
de la partie requérante soient mis en cause. Cette obligation s'applique à toutes
les instances.
8. Bien qu'il n'y ait aucune contradiction entre les dispositions de la Convention
et la législation libyenne - qui se compose du Code pénal, du Code de procédure
pénale, du Code civil et de la loi relative à la promotion des libertés - toute
disposition de la Convention qui n'est mentionnée dans aucun texte législatif
libyen est opposable aux tribunaux nationaux, comme on l'a dit plus haut.
9. La relation entre la Convention contre la torture et le système juridique
national de la Jamahiriya est régie par les principes suivants :
a) Tout traité international que la Jamahiriya conclut ou auquel elle adhère
prend effet, après sa ratification et publication au Journal officiel, en tant
que partie intégrante de la législation interne;
b) Toute disposition de la Convention faisant l'objet du présent rapport, ou
de toute autre convention, pour laquelle il n'existe aucune disposition juridique
correspondante ou équivalente en droit égyptien doit prendre effet et est opposable
au pouvoir judiciaire national;
c) Toute partie concernée est habilitée à invoquer, en totalité ou en partie,
les dispositions de la Convention devant les tribunaux nationaux, lesquels sont
tenus de répondre à une telle requête conformément aux principes de la compétence
et dans le cadre du pouvoir discrétionnaire qui leur est conféré par la loi.
Il s'agit là d'un principe général concernant la compétence et le pouvoir discrétionnaire
dont est investi l'ordre judiciaire qui est reconnu par tous les systèmes judiciaires
du monde entier. Ce principe s'applique, en particulier, aux instruments relatifs
aux droits de l'homme. En conséquence, les traités internationaux acquièrent
force exécutoire sans qu'il soit nécessaire d'en incorporer les dispositions
ou les textes dans une législation interne analogue.
10. A notre sens, il est essentiel d'incorporer les dispositions de la Convention
contre la torture dans la législation interne des Etats chaque fois que cette
dernière l'emporte sur les dispositions des traités internationaux en ce qui
concerne la force exécutoire et l'applicabilité devant les tribunaux nationaux.
Tel n'est cependant pas le cas de la Jamahiriya étant donné l'attitude adoptée
par le législateur libyen.
11. Les principes susmentionnés découlent des effets directs du statut des traités
internationaux au regard de la législation interne de la Libye. C'est là le
premier aspect, qui définit le cadre juridique de l'application, dans la Jamahiriya,
des dispositions de la Convention contre la torture.
12. Le second aspect concerne l'existence d'une législation interne conforme
aux dispositions de la Convention contre la torture, comme nous le verrons dans
les différentes sections du présent rapport concernant le Code pénal, le Code
de procédure pénale, le Code civil et la loi relative à la promotion des libertés,
notamment.
B. Structure de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels,
inhumains ou dégradants
13. Le texte de la Convention contre la torture se compose d'un préambule et
de 33 articles, dont tous ont force exécutoire dans les Etats parties. Un certain
nombre de ces articles imposent à l'Etat partie des obligations concrètes particulières,
tandis que d'autres concernent les procédures générales. Autrement dit, la Convention
contient aussi bien des dispositions de fond que des dispositions de procédure,
mais celles-ci se complètent mutuellement en ce qui concerne la force exécutoire
et l'obligation de mise en oeuvre qui incombe à chaque Etat partie.
1. Dispositions de la Convention (première partie) qui imposent aux Etats parties
des obligations concrètes (dispositions de fond)
14. Les articles premier à 16 de la Convention contiennent tous des dispositions
par lesquelles la Convention impose aux Etats parties un certain nombre d'obligations
concrètes.
15. Ainsi, l'article premier définit la torture comme étant tout acte par lequel
une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont infligées.
Il souligne le caractère intentionnel de ces actes et définit aussi l'objectif
qui sous-tend les actes de torture. En vertu du paragraphe 1 de l'article 2,
les Etats parties sont dans l'obligation de prendre des mesures législatives,
administratives, judiciaires ou autres mesures efficaces pour empêcher que des
actes de torture soient commis dans tout territoire sous leur juridiction. Le
paragraphe 2 de ce même article stipule qu'aucune circonstance exceptionnelle,
quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre, de menace de guerre
ou d'instabilité politique, ne peut être invoquée pour justifier la torture.
Le paragraphe 3 dispose en outre que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité
publique ne peut être invoqué pour justifier la torture.
16. Le paragraphe 1 de l'article 3 stipule qu'il est interdit d'expulser, de
refouler ou d'extrader une personne vers un autre Etat où il y a des motifs
sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Le paragraphe
2 de ce même article interdit l'extradition si ces motifs sérieux concernent
l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques
des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.
17. En vertu des paragraphes 1 et 2 de l'article 4, chaque Etat partie à la
Convention est dans l'obligation de veiller à ce que tous les actes de torture
constituent, au regard de leur droit pénal, des infractions passibles de peines
appropriées prenant en considération leur gravité.
18. Les paragraphes 1, 2, 3 et 4 de l'article 8 parlent de l'extradition sous
le coup de laquelle tombent les infractions mentionnées à l'article 4 susvisé.
Ils énoncent les conditions d'extradition et, à cet égard, évoquent tous les
traités pertinents conclus entre les Etats concernés. En l'absence de traité
de ce type, la Convention contre la torture stipule que la question de l'extradition
est régie par la législation de l'Etat auquel est soumise la demande d'extradition.
La Convention peut également être considérée comme constituant la base juridique
de l'extradition.
19. Ainsi, les dispositions des articles premier à 16 investissent l'Etat partie
d'un certain nombre d'obligations concrètes. Cet Etat doit les incorporer dans
sa législation nationale et dans son système judiciaire et prendre des mesures
administratives et judiciaires efficaces pour promouvoir l'application des dispositions
de la Convention et éliminer tous les obstacles qui pourraient en entraver l'application.
20. Pris dans leur ensemble, ces articles constituent la base juridique qui
fait obligation aux Etats parties de respecter les dispositions de la Convention,
d'en incorporer les dispositions dans leur législation ou de considérer la Convention
comme un texte législatif interne qui doit être appliqué par les tribunaux nationaux
et le système judiciaire conformément aux procédures que suit l'Etat partie
pour donner aux traités internationaux force de loi dans son système juridique
national.
2. Deuxième partie de la Convention (dispositions de procédure)
21. L'article 17 de la Convention contre la torture contient des dispositions
concernant les procédures de création du Comité, sa désignation, le nombre de
ses membres, leur mode d'élection et la durée de leur mandat, notamment.
22. L'article 19 fait obligation aux Etats parties de présenter au Comité, par
l'entremise du Secrétaire général, des rapports sur les mesures qu'ils ont prises
pour donner effet à leurs engagements en vertu de la Convention. Il parle ensuite
des travaux du Comité dans ce domaine. Les alinéas a), b), c), d), e), f), g)
et h) du premier paragraphe de l'article 21 énoncent un ensemble de dispositions
concrètes revêtant une importance particulière.
23. A notre avis, c'est sur la première partie de la Convention - articles premier
à 16 - que l'on devrait fonder la comparaison entre les dispositions de cet
instrument et celles de la législation interne des Etats, car c'est là que l'on
trouve, de façon générale, les obligations concrètes auxquelles chaque Etat
partie est tenu de se conformer dans sa législation interne et que doivent appliquer
ses tribunaux nationaux.
24. Le fait que l'on se concentre sur les articles de la première partie de
la Convention ne signifie pas que l'on fragmente cet instrument ni que l'on
sous-évalue son effet contraignant. Nous avons indiqué en introduction que toutes
les dispositions de la Convention, y compris le préambule, ont force exécutoire
dans l'Etat partie. Il s'agit là d'un principe qui ne saurait être remis en
cause. Notre propos, en faisant une telle distinction, est de tirer un avantage
concret et de prouver, comme nous allons le voir, qu'une comparaison réelle
entre les dispositions de la Convention et la législation libyenne montre que
les premières sont pleinement appliquées, et ce pour deux raisons :
a) Il existe, en pratique, un vaste champ d'application des dispositions des
articles de la Convention auxquels correspondent des articles et des textes
analogues dans la législation libyenne. Toute lacune que pourraient présenter
le droit ou la législation internes est comblée par les dispositions de la Convention,
qui est opposable aux tribunaux nationaux, et toute partie intéressée est habilitée
à se prévaloir de ces dispositions et à en exiger l'application devant toutes
les instances;
b) La Convention contre la torture est devenue partie intégrante de la législation
interne de la Libye dès sa ratification et publication au Journal officiel.
Elle a acquis ainsi force exécutoire comme tout autre texte législatif interne,
comme nous l'avons mentionné au début du présent rapport lorsque nous avons
évoqué le cadre juridique général de l'application en Libye des dispositions
de la Convention contre la torture.
II. ETUDE COMPARATIVE DES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION ET
DE CELLES DE LA LEGISLATION LIBYENNE
Article premier
25. La torture est définie comme étant tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées
à une personne aux fins, notamment, d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne
des renseignements ou des aveux, notamment. Les articles correspondants de la
législation libyenne sont les suivants :
Article 435 du Code pénal
26. Cet article est ainsi conçu : "Tout agent de l'Etat qui torture personnellement
des accusés ou en ordonne la torture est puni d'une peine de prison de trois
à dix ans".
Article 17 de la loi relative à la promotion des libertés
27. En vertu de cet article, "l'accusé est présumé innocent tant que sa
culpabilité n'a pas été établie par décision de justice. Il est interdit de
soumettre l'accusé à une forme quelconque de torture corporelle ou mentale ou
de traitements cruels, inhumains ou dégradants".
28. Une comparaison de l'article premier de la Convention avec le texte de l'article
435 du Code pénal et de l'article 17 de la loi relative à la promotion des libertés
fait ressortir que les deux textes législatifs libyens susmentionnés remplissent
les conditions prescrites par l'article premier de la Convention. En outre,
l'article 17 de la loi relative à la promotion des libertés répond aussi aux
prescriptions de l'article 16 de la Convention dans le domaine considéré.
29. Si la loi libyenne sanctionne les actes de torture sans en donner de définition
- tel est le cas de l'article 435 du Code pénal -, l'article 17 de la loi relative
à la promotion des libertés définit la nature de la torture dans les mêmes termes
que l'article premier de la Convention. En outre, suite à sa ratification par
les congrès du peuple de la Jamahiriya et à sa publication au Journal officiel,
la Convention contre la torture est devenue un texte législatif interne dont
les dispositions sont opposables aux tribunaux nationaux pour toutes les questions
qui ne sont pas visées par les dispositions de la législation interne. Toute
personne juridiquement concernée est habilitée à se prévaloir des dispositions
de la Convention et, au besoin, à demander qu'elles soient appliquées au titre
de la législation interne.
Article 2
30. L'article 2 stipule que tout Etat partie prend des mesures législatives,
administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des
actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. En
ce qui concerne les mesures législatives, les textes libyens correspondants
sont les suivants.
Article 435 du Code pénal
31. Il a déjà été fait mention de cet article.
Article 431 du Code pénal
32. Cet article stipule ce qui suit :
"Tout agent de l'Etat qui, dans l'exercice de ses fonctions, use de violence
contre autrui de manière à porter atteinte à sa dignité ou à lui infliger une
souffrance physique sera puni d'une peine de prison et d'une amende d'un montant
maximum de 250 dinars."
Cette disposition s'applique à l'abus de pouvoir contre toute personne.
Article 17 de la loi relative à la promotion des libertés
33. Il a déjà été fait mention de cet article à propos de l'article premier
de la Convention.
34. Nous tenons à souligner une fois de plus que toute lacune que pourrait présenter
le droit interne est comblée par la Convention, qui fait désormais partie de
la législation nationale et, de ce fait, a force exécutoire et est opposable
aux tribunaux nationaux. Il en va de même des paragraphes 2 et 3 de l'article
2 de la Convention.
Article 3
35. Le texte correspondant est celui de l'article 9 du Code pénal libyen, qui
impose les restrictions ci-après à l'extradition :
a) L'acte motivant la demande d'extradition doit constituer une infraction au
sens de la loi libyenne et de la loi de l'Etat requérant;
b) Le délit ou la peine ne doivent pas être prescrits au sens de la loi libyenne
ou de lois étrangères;
c) Les lois des deux Etats concernés doivent autoriser les poursuites pénales.
Les cas où le droit libyen n'autorise pas l'extradition sont les suivants :
a) La demande d'extradition concerne un sujet libyen;
b) Le délit motivant la demande d'extradition a un caractère politique ou est
motivé par des considérations politiques;
c) En vertu de l'article 9 du Code pénal libyen, est politique tout délit qui
nuit aux intérêts politiques de l'Etat ou aux droits politiques d'un particulier.
Article 21 de la loi relative à la promotion des libertés
36. Cet article stipule que la Jamahiriya est une terre d'asile pour les personnes
persécutées et les combattants de la liberté. Les réfugiés qui se sont placés
sous sa protection ne peuvent donc être livrés à aucune autre autorité.
37. Le paragraphe 5 de l'article 9 du Code pénal et l'article 21 de la loi relative
à la promotion des libertés entrent pleinement dans le cadre des dispositions
des paragraphes 1 et 2 de l'article 3 de la Convention contre la torture. L'expulsion,
le refoulement ou l'extradition dont il est fait mention à l'article 3 de la
Convention sont interdits par la loi lorsque les droits politiques des particuliers
sont en jeu ou lorsque les droits de ces derniers risquent d'être violés.
Article 4
38. Cet article de la Convention a pour contrepartie l'article 435 du Code pénal
: "Tout agent de l'Etat qui torture personnellement des accusés ou en ordonne
la torture est puni d'une peine de prison de trois à dix ans". Le texte
de cet article du Code pénal libyen qualifie d'infractions pénales les actes
de torture, que l'agent de l'Etat les ait commis lui-même ou qu'il en ait ordonné
l'exécution, et prévoit une peine de prison de trois à dix ans selon la gravité
de l'acte.
39. L'article 435 est renforcé par l'article 431 en vertu duquel tout agent
de l'Etat qui, dans l'exercice de ses fonctions, use de violence contre autrui
de manière à le dégrader ou à lui infliger une souffrance physique est puni
d'une peine de prison et d'une amende.
40. Au regard de ces dispositions, les actes de torture sont considérés comme
des actes de violence contre autrui de manière à le dégrader ou à lui infliger
une souffrance physique. Ils sont qualifiés d'infractions pénales sanctionnées
par la loi, comme l'exige l'article 4 de la Convention.
Article 5
41. Conformément à l'article 4 du Code pénal, les infractions visées à l'article
4 de la Convention et aux alinéas a), b) et c) de l'article 5 du Code sont qualifiées
d'infractions punissables qui relèvent de la juridiction des tribunaux libyens,
qu'elles soient commises en territoires soumis à cette juridiction ou dans des
lieux considérés comme équivalents au territoire libyen (infractions commises
à bord de navires ou d'aéronefs libyens, par exemple) et que le délit soit commis
par un sujet libyen ou par un étranger.
42. On a mentionné la question de l'extradition, qui est régie par le paragraphe
5 de l'article 9 du Code pénal libyen et l'article 21 de la loi relative à la
promotion des libertés.
43. En tout état de cause, toute lacune que pourrait comporter un texte libyen
correspondant à une disposition de la Convention contre la torture peut être
comblée par les dispositions de la Convention, qui est considérée comme un texte
législatif interne opposable aux tribunaux nationaux, comme nous l'avons indiqué
plus d'une fois. A notre sens, les dispositions de la législation interne répondent
aux exigences de la Convention, comme stipulé à l'article 5 et à d'autres articles
de cet instrument. Pour plus de renseignements, on pourra se reporter au rapport
complémentaire présenté en novembre 1992 qui contient, en annexe, tous les textes
législatifs libyens pertinents.
Article 6
44. Les dispositions de l'article 6 de la Convention ont pour contrepartie l'article
4 du Code pénal libyen. La situation peut être caractérisée comme suit :
a) Dès qu'elles se sont assurées, après avoir examiné les renseignements disponibles,
qu'une personne résidant en territoire libyen a commis l'un quelconque des actes
qualifiés d'infraction pénale à l'article 4 de la Convention, les autorités
libyennes assurent sa détention dans les formes stipulées à l'article 6 concernant
l'adoption de mesures légales et la durée de la détention;
b) L'article 4 du Code pénal libyen s'applique pleinement aussi bien aux sujets
libyens qu'aux étrangers résidant en territoire libyen;
c) Le texte de l'article 4 du Code pénal libyen ne donne aucune latitude à l'Etat
libyen de renoncer à exercer sa compétence judiciaire puisque les dispositions
de ce code doivent être appliquées aussi bien aux Libyens qu'aux étrangers et
que l'Etat partie, à savoir la Libye, est dans l'obligation d'exercer sa compétence
judiciaire. Toutefois, rien n'empêche l'Etat d'invoquer les dispositions du
paragraphe 4 de l'article 6 de la Convention, qui fait désormais partie de sa
législation interne, concernant la communication par l'Etat partie de son intention
d'exercer ou non sa compétence;
d) L'extradition est régie par les dispositions des articles 8 et 9 du Code
pénal et de l'article 21 de la loi relative à la promotion des libertés, comme
nous l'avons déjà mentionné.
Article 7
45. Cette disposition de la Convention a pour pendant les textes des articles
4, 435 et 431 du Code pénal libyen, comme expliqué ci-après :
a) L'article 4 stipule que le Code pénal et le Code de procédure pénale s'appliquent
à tout sujet libyen ou étranger qui commet, en territoire libyen, une infraction
quelconque qualifiée par la loi. Le territoire libyen est réputé englober les
aéronefs et navires libyens, où qu'ils se trouvent, pour autant qu'ils ne relèvent
d'aucune juridiction étrangère au regard du droit international;
b) L'article 435 du Code pénal stipule que tout agent de l'Etat qui torture
personnellement des accusés ou en ordonne la torture est puni d'une peine de
prison de trois à dix ans;
c) L'article 431 du Code pénal dispose que tout agent de l'Etat qui, dans l'exercice
de ses fonctions, use de violence contre autrui de manière à le dégrader ou
à lui infliger une souffrance physique sera puni d'une peine de prison et d'une
amende d'un montant maximum de 250 livres.
46. Une comparaison de ces textes et des dispositions de l'article 7 de la Convention,
conjointement aux articles 4 et 5 de cet instrument, permet de tirer les conclusions
suivantes :
i) Le Code pénal libyen s'applique à tout acte constituant une infraction commise
en territoire libyen, que l'auteur soit un sujet libyen ou un étranger. Le territoire
libyen est réputé englober les aéronefs et navires libyens, où qu'ils se trouvent,
sauf dans les cas hypothétiques de différend visés à l'article en question,
conformément aux règles générales relatives à la juridiction;
ii) Au regard de la loi, les actes de torture sont des infractions pénales et,
aux termes de l'article 435 du Code pénal, la torture constitue un acte délictueux
majeur passible d'une peine de prison d'une durée minimum de trois ans et d'une
durée maximum de dix ans, selon sa gravité. Ces dispositions sont conformes
aux prescriptions de l'article 4 de la Convention;
iii) En vertu de l'article 431 du Code pénal, commet une infraction pénale tout
agent de l'Etat qui, dans l'exercice de ses fonctions, use de violence contre
autrui de manière à le dégrader ou à lui infliger une souffrance physique. Une
peine complémentaire est prévue pour punir les actes de violence proprement
dits;
iv) Comme nous l'avons déjà mentionné, les dispositions de la Convention contre
la torture ont fait partie intégrante de la législation interne de la Libye
dès qu'elles ont été ratifiées et publiées au Journal officiel;
v) Un traitement équitable est garanti par les articles 24 à 26 du Code de procédure
pénale concernant les circonstances dans lesquelles on peut procéder aux arrestations
ou obtenir des déclarations des suspects. Ces dispositions sont complétées par
celles de l'article 30 de ce même code concernant la légalité des arrestations,
et de l'article 31 concernant la détention et les lieux de garde à vue.
47. Conformément à ces dispositions d'ordre général, les autorités libyennes
(l'Etat), en tant que partie à la Convention contre la torture et conformément
aux dispositions de la législation libyenne, sont dans l'obligation, comme tout
autre Etat partie, de prendre les mesures prescrites à l'article 7 de la Convention.
Il va de soi que les critères régissant l'obtention des éléments de preuve nécessaires
pour engager des poursuites ou prononcer une condamnation ne doivent en aucune
circonstance être moins rigoureux que ceux qui sont appliqués dans les cas mentionnés
au paragraphe 1 de l'article 5.
Article 8
48. Des dispositions correspondant à celles de cet article se retrouvent dans
les articles 8 et 9 du Code pénal libyen.
49. L'article 8 de ce code stipule ce qui suit :
"L'extradition ou le refoulement des délinquants sont régis par le droit
libyen à moins qu'ils ne soient réglementés par des traités ou la pratique internationale."
50. En vertu de l'article 9 de ce même code :
"Les délinquants peuvent être extradés pour autant que les conditions ci-après
soient remplies :
a) L'acte motivant la demande doit constituer une infraction au sens de la loi
libyenne et de la loi de l'Etat requérant;
b) Ni le délit, ni la peine, ne sont prescrits au sens de la loi libyenne ou
de lois étrangères."
51. Ceci conduit aux conclusions ci-après :
a) L'extradition et le refoulement des délinquants sont régis par la loi libyenne,
ce qui est parfaitement naturel puisqu'il s'agit d'un élément de la souveraineté
nationale;
b) La loi libyenne ne s'applique ni aux cas visés par les traités internationaux
d'extradition et de refoulement que l'Etat libyen a conclus avec un ou plusieurs
Etats, ni aux cas régis par la pratique internationale;
c) Au sens de la loi libyenne, pour que l'extradition puisse être autorisée,
l'acte qui en motive la demande doit constituer une infraction au regard de
la loi libyenne et de la loi de l'Etat requérant;
d) Le délit ou la peine qu'il emporte ne doivent pas être prescrits en vertu
de l'une ou l'autre loi;
e) Si l'extradition est régie par un traité international conclu entre la Jamahiriya
et un ou plusieurs autres Etats, les infractions visées à l'article 4 sont comprises
dans ces instruments. Il va de soi que ces infractions seront qualifiées d'extraditionnelles
dans tout traité d'extradition à conclure par la Libye (par. 1 de l'article
8 de la Convention);
f) Conformément au paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention, les conditions
stipulées dans la législation libyenne doivent être appliquées au cas où la
Libye recevrait une demande d'extradition émanant d'un autre Etat. Ces conditions
sont énoncées dans les paragraphes 1 et 2 susmentionnés de l'article 9 du Code
pénal libyen;
g) La Convention contre la torture fait désormais partie intégrante de la législation
interne en vigueur en Libye et les procédures d'extradition devraient être appliquées
entre deux Etats parties à la Convention. A notre avis, cela facilite les choses
puisque chaque Etat partie est censé avoir pris les mesures législatives nécessaires
pour faciliter l'application de la Convention, notamment dans les cas visés
à l'article 8 qui régit les conditions et le champ de l'extradition.
Article 9
52. Les dispositions correspondantes de la législation libyenne traitent de
la compétence des tribunaux nationaux pour connaître des affaires visées aux
articles 5, 6, 8 et 9 de la Convention. Nous limiterons nos observations à l'article
9 de la Convention puisque les articles 5, 6 et 8 ont déjà été examinés.
53. Pour ce qui est de la compétence des tribunaux nationaux, l'article 9 suppose
au préalable qu'une personne présumée avoir commis un acte constituant une infraction
aux termes de l'article 4 de la Convention a fait l'objet de procédures judiciaires
conformes aux conditions et circonstances précisées aux articles 5, 6, 7 et
8, notamment en ce qui concerne la remise de cette personne aux autorités judiciaires
aux fins de poursuites conformément aux conditions et procédures d'extradition
qui sont énoncées dans la législation nationale et la Convention, comme mentionné
plus haut.
54. Si l'auteur présumé de l'une des infractions visées à l'article 4 encourt
une peine d'extradition, l'Etat exerçant une juridiction légale sur cette personne
est dans l'obligation de fournir une assistance lors des poursuites pénales
qui sont intentées et, notamment, de fournir tous les éléments de preuve dont
il dispose et qui sont nécessaires à l'action en justice. Il va de soi que ces
obligations doivent être remplies compte tenu de tout traité d'entraide judiciaire
conclu entre ces deux Etats.
55. Etant donné ce qui précède, on peut dire que les articles 5, 6, 7, 8 et
9 de la Convention ont pour contrepartie les articles 4, 5, 6, 8 et 9 du Code
pénal libyen.
Article 11
56. Les dispositions correspondantes de la loi libyenne sont les suivantes :
Article 24 du Code de procédure pénale
57. Cet article précise les circonstances de l'arrestation d'un suspect : il
s'agit notamment des actes délictueux graves, des cas de flagrant délit, des
cas où l'infraction constitue un délit passible d'emprisonnement et où le suspect
est placé en garde à vue, des délits de vol, des voies de fait graves, des faits
de résistance par la force ou la violence, du proxénétisme et de la traite de
femmes ou d'enfants. Dans chacun de ces cas, la loi stipule que la détermination
de l'infraction doit être étayée par des éléments de preuve suffisants.
Article 26 du Code de procédure pénale
58. En ce qui concerne l'audition du suspect, le Code stipule ce qui suit :
"L'officier de police judiciaire doit entendre sans délai le suspect et,
si ce dernier est incapable de se disculper, l'affaire est déférée au parquet
dans les 24 heures.
Le parquet doit interroger le suspect dans les 24 heures. Il doit alors ordonner
soit son placement en garde à vue, soit sa mise en liberté."
Article 30 du Code de procédure pénale
59. Cet article, qui concerne les conditions légales de l'arrestation, stipule
ce qui suit :
"Nul ne peut être arrêté ou emprisonné si ce n'est sur ordre de l'autorité
judiciaire compétente."
Article 31 du Code de procédure pénale
60. Cet article dispose ce qui suit :
"Seules les prisons conçues à cet effet servent de lieu de détention."
"Aucun directeur de prison ne procède à l'incarcération de quiconque sans
un mandat d'arrêt signé par l'autorité compétente, ni ne prolonge cette incarcération
au-delà du délai prescrit."
Article 32 de ce même code, concernant le pouvoir de visiter et d'inspecter
les prisons
61. Ce pouvoir est conféré aux membres du ministère public, aux magistrats inspecteurs
et aux présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance et des
cours d'appel dans leur aire de juridiction respective. A cet égard :
a) Ils veillent à ce que nul ne soit emprisonné illégalement;
b) Ils sont habilités à inspecter les registres d'écrou et à en établir des
copies;
c) Ils sont habilités à se mettre en rapport avec tout prisonnier et à entendre
toutes ses plaintes.
Le directeur de la prison et son personnel doivent fournir toute l'assistance
voulue pour leur permettre d'obtenir les renseignements qui leur sont nécessaires.
Article 33 de ce même code
62. Cet article traite tout particulièrement des plaintes des prisonniers et
des personnes qui sont détenues illégalement. Ces principales dispositions sont
les suivantes :
a) Tout prisonnier a le droit de présenter par écrit ou verbalement, à tout
moment, une plainte au directeur de la prison et de lui demander de la transmettre
au procureur ou au magistrat compétent. Le directeur est tenu par la loi de
recevoir cette plainte et de la communiquer sans délai à qui de droit, après
l'avoir consignée dans le registre tenu à cet effet;
b) Quiconque apprend qu'une personne est détenue illégalement ou dans un lieu
autre qu'une prison désignée légalement est tenu d'en notifier les services
du procureur ou le magistrat compétent;
c) Le procureur ou le magistrat compétent doit mener une enquête sur la plainte.
Au terme de cette enquête, il doit remettre en liberté la personne qui a été
emprisonnée légalement et dresser un procès-verbal.
Article 14 de la loi relative à la promotion des libertés
63. Cet article dispose que nul ne peut être fouillé, interrogé ou privé totalement
ou partiellement de sa liberté, sauf sur ordre d'une autorité compétente, dans
les circonstances et délais prescrits par la loi et si l'intéressé est accusé
d'avoir commis un acte puni par la loi. Selon ce même article, l'intéressé est
placé en détention provisoire dans un lieu connu des membres de la famille et
pour une durée limitée au strict minimum nécessaire à l'instruction et à la
conservation des éléments de preuve.
64. En général, ces dispositions fournissent des garanties concernant :
a) Les cas où le suspect peut être arrêté si l'on dispose de suffisamment d'éléments
prouvant qu'il a commis un crime, un délit passible d'une peine d'emprisonnement
ou des infractions comportant des voies de fait graves sur des agents de l'Etat,
un proxénétisme ou une traite de femmes ou d'enfants, notamment (art. 24);
b) La légalité des arrestations, qui ne peuvent être opérées que sur ordre des
autorités compétentes. Il est interdit à un directeur de prison de procéder
à l'incarcération de quiconque sans un mandat signé par l'autorité compétente;
c) La visite et l'inspection des prisons, l'exercice du contrôle judiciaire
de ces prisons et la détermination de la légalité de l'incarcération des prisonniers
qui s'y trouvent, font l'objet d'une surveillance systématique de la manière
prévue à l'article 11 de la Convention;
d) Quiconque apprend qu'une personne est détenue illégalement ou dans un lieu
qui n'est pas destiné à la détention est tenu d'en notifier les services du
procureur ou le magistrat compétent;
e) L'article 19 de la loi relative à la promotion des libertés régit l'octroi
des mandats d'arrêt et de dépôt en mentionnant les formes et les délais qui
sont précisés dans d'autres textes législatifs. Ces questions obéissent naturellement
aux règles générales énoncées dans les dispositions législatives qui ont déjà
été mentionnées.
65. A la lumière de cet ensemble de dispositions, on peut dire que la législation
libyenne énonce les principes généraux qui régissent l'interrogatoire, la mise
en examen, l'arrestation, la garde à vue et la détention et qu'elle place ces
mesures et la manière dont elles sont exécutées sous une surveillance systématique,
au sens de l'article 11 de la Convention.
Articles 12 et 13
66. Les articles 12 et 13 de la Convention ont pour équivalents les dispositions
ci-après de la législation :
a) L'article 435 du Code pénal, qui qualifie les actes de torture d'infractions
pénales punissables, comme indiqué précédemment;
b) L'article 15 du Code de procédure pénale, qui stipule que "quiconque
apprend qu'a été commise une infraction justifiant une introduction d'instance
par le ministère public sans plainte ni requête doit en notifier le ministère
public ou un officier de police judiciaire";
c) L'article 16 de ce même code, qui contient des exemples de notification obligatoire
aux agents de l'Etat ou personnes assimilées.
67. On peut tirer de ces dispositions les conclusions ci-après :
a) Tout acte de torture est qualifié par la loi comme une infraction pénale
punissable;
b) Le droit de déposer plainte est acquis à la victime de l'acte de torture
et peut être exercé dans les formes prescrites et régies par la loi;
c) Tout citoyen qui apprend qu'un acte de torture a été commis a légalement
le droit souverain d'adresser à cet égard une plainte auprès des pouvoirs publics;
d) Les agents de l'Etat, et en particulier les médecins qui traitent les cas
de blessure ou de torture, sont tenus par la loi d'en notifier les organes compétents,
à savoir le ministère public ou les officiers de police judiciaire.
Article 14
68. Les articles 166 et 167 du Code civil contiennent les dispositions ci-après
concernant la réparation en cas de préjudice subi :
a) L'article 166 prévoit que toute personne qui commet une faute causant un
préjudice à autrui est tenue à réparation;
b) En vertu de l'article 167, "est tenu pour responsable des infractions
qu'il commet quiconque est capable de faire la distinction entre le bien et
le mal".
69. Ces dispositions s'appliquent sans réserve à tout auteur d'un préjudice
ou d'une infraction, qu'il s'agisse d'une personne publique ou privée, d'un
particulier ou d'un agent de l'Etat, tous étant tenus à réparation. Conformément
aux dispositions du Code pénal libyen et de la Convention contre la torture,
la torture est un acte illégal et, en tant que tel, est qualifiée d'infraction
pénale punissable qui ouvre droit à réparation pour les préjudices qu'elle cause.
Pour déposer plainte et demander réparation, la victime a le choix entre deux
solutions : elle peut soit introduire une action indépendante devant les tribunaux
civils, soit réclamer des dommages et intérêts devant les instances pénales
lors de l'action au pénal. Cette dernière procédure est la plus courante étant
donné le lien qui existe entre les aspects pénaux et civils du jugement et la
rapidité avec laquelle elle peut être exécutée.
Article 15
70. Cet article concerne ce que l'on peut appeler les "garanties juridiques"
que fournissent les tribunaux nationaux. L'aspect le plus important en est la
nécessité de s'abstenir de s'appuyer sur des éléments de preuve ou des déclarations
obtenus sous la contrainte.
71. A cet égard, la jurisprudence appliquée par la Cour suprême est la suivante
:
a) Les éléments de preuve, aveux probants ou déclarations quels qu'ils soient
sont irrecevables s'ils sont obtenus sous la contrainte, indépendamment de leur
valeur probante (arrêt de la Cour suprême concernant le recours pénal No SC/26/354);
b) Le juge saisi de l'affaire doit examiner et vérifier les arguments invoqués
par l'accusé concernant la valeur probante de tout aveu qui lui est attribué
et l'usage de la violence ou de la contrainte pour obtenir un tel aveu. Faute
d'un tel examen, le jugement est entaché d'irrégularité et insuffisamment motivé,
et doit être cassé (arrêt concernant le recours pénal No SC/98/42).
72. La Cour suprême est la plus haute autorité judiciaire du système juridique
national et ses arrêts sont opposables à tous les tribunaux. Les principes qu'elle
établit constituent des règles auxquelles le système judiciaire doit se conformer
dans ses jugements.
Article 16
73. L'article 16 a pour équivalents les articles ci-après du Code pénal libyen
:
74. L'article 431, qui prévoit que tout agent de l'Etat qui, dans l'exercice
de ses fonctions, use de violence contre autrui de manière à porter atteinte
à sa dignité ou à lui infliger une souffrance physique est puni d'une peine
de prison et d'une amende.
75. L'article 428, qui punit d'une peine de prison allant de six mois à cinq
ans quiconque prive autrui de sa liberté individuelle. Cette peine est majorée
de moitié si l'acte est commis par un agent de l'Etat abusant des pouvoirs que
lui confère sa fonction.
76. L'article 429, qui prévoit une peine de prison ou une amende pour quiconque
qui, par la violence ou la menace, oblige une personne à accomplir un acte,
à le subir ou à s'en abstenir, notamment.
77. Ces dispositions des articles 431, 428 et 429 du Code pénal libyen s'appliquent
à des actes punis par la loi analogues à ceux qui sont visés à l'article 16
de la Convention. Elles sanctionnent d'autres actes qui ne constituent pas des
actes de torture au sens de l'article premier de la Convention. Par exemple
:
a) L'abus de pouvoir de nature à porter atteinte à la dignité de l'individu
ou à lui infliger une souffrance physique, qui relève du champ d'application
de l'article 431 du Code pénal;
b) La détention illégale, qui est passible d'une peine de prison en vertu de
l'article 428 du Code pénal;
c) Le recours à la violence pour contraindre autrui, qui constitue une infraction
pénale passible de la peine prescrite à l'article 429 du Code pénal.
78. La peine prévue dans toutes ces dispositions du Code pénal est majorée si
l'acte est perpétré par un agent de l'Etat outrepassant les limites des pouvoirs
que lui confère sa fonction ou si cet agent commet un acte qui porte atteinte
à la dignité d'autrui ou lui inflige une souffrance physique.
79. A notre sens, cet aspect de la législation libyenne tend à dissuader l'administration
d'abuser de ses pouvoirs et limite les abus d'autorité de la part des pouvoirs
publics. En outre, ces actes, qui sont qualifiés d'infraction pénale dans le
Code pénal libyen, sont incorporés dans le chapitre intitulé "Atteintes
à la liberté individuelle" afin de souligner l'importance que la loi libyenne
accorde à la protection des libertés publiques.
Conclusion
80. En conclusion, votre éminent Comité nous permettra d'exprimer l'opinion
que les entreprises humaines, qu'elles soient le fait de particuliers, de groupes,
d'Etats, de gouvernements ou d'organisations internationales, notamment, devraient
viser à promouvoir les valeurs sacrées de la vérité, de la justice et de la
liberté, à défendre le droit des peuples à en jouir et àconsolider les aspects
politiques, économiques, sociaux et culturels des droits de l'homme dans un
monde où celui-ci doit partager les bienfaits du développement technique et
du progrès scientifique de manière à éliminer les divisions raciales, culturelles
et religieuses et à ne laisser nul motif pouvant donner lieu à des allégations
d'intolérance, d'isolement ou de ségrégation entre les peuples et les nations.
81. Tout au long de son histoire, l'homme a été la cible, précieuse, de religions,
de révélations divines et de réformes révolutionnaires. Dans notre monde, chacun
a le droit de vivre libre et de penser, créer, produire et progresser en toute
liberté, sécurité et paix.
82. Ces principes s'appliquent aux particuliers ainsi qu'aux nations et aux
peuples et ceux qui, au sein des Etats et des régimes, bafouent la liberté de
l'homme ne diffèrent pas de ceux qui empiètent sur les libertés des peuples
et des nations en les isolant et en leur imposant des embargos, des politiques
et des programmes en matière de prêts, de dette extérieure et d'aide tendancieux
et conditionnels et un critère unique pour évaluer les expériences des autres
sous prétexte de disposer des meilleurs principes et des solutions les plus
viables aux problèmes des êtres humains où qu'ils soient.
83. Ces deux catégories se méprennent tout autant l'une que l'autre, car elles
se fondent toutes deux sur l'hypothèse, erronée, que les individus sont des
mineurs qui ont besoin de quelqu'un pour penser et planifier à leur place et
que les peuples du monde, étant immatures, doivent s'en remettre à autrui pour
contrôler chacune des mesures qu'ils prennent et surveiller jusqu'à leur niveau
de croissance et de développement. Tout comme l'ignorance s'éteint avec la diffusion
des connaissances, les violations des droits de l'homme et des libertés disparaissent
lorsque l'être humain jouit de la liberté et de la maîtrise de sa destinée et
lorsque les peuples occupent la place qui leur revient au sein des instances
de prise de décision et qu'ils participent efficacement à l'organisation de
leur avenir.
84. Quelle que soit l'importance des garanties légales et judiciaires qui peuvent
être prévues par un système politique ou judiciaire donné pour assurer la protection
des droits de l'homme et des libertés, il est inévitable que se produisent des
violations individuelles des principes du droit et que les administrations ou
les Etats empiètent sur les droits et les libertés publics des personnes.
85. Ce problème, fondamental, de relations entre particuliers et autorités se
reflète au niveau des Etats modernes qui ne manifestent aucun penchant à justifier
les violations de ces valeurs que sont la liberté et les droits de l'homme.
Pour reprendre les termes du réformateur religieux Martin Luther : "Le
prince juste est un oiseau rare". En ce sens, la notion d'individu idéal
dans une société idéale et un Etat idéal recouvre en quelque sorte la quête
d'une utopie terrestre qui, quelque effort que fasse l'homme pour s'en approcher,
reste inaccessible car elle fait partie du rêve des philosophes et des intellectuels.
Toutefois, quelles que soient les difficultés que l'homme doit affronter dans
sa vie quotidienne et quels que soient les défis qu'il doit relever, les rêves
peuvent déplacer les montagnes et créer, fût-ce en partie, la vérité. Cette
vérité, c'est la liberté de l'homme.
86. Nous espérons que le présent rapport sera utile au Comité et qu'il l'aidera
à atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Dieu est juge de nos bonnes intentions.